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Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.

Le banal et l'étrange

Holbein le Jeune, Les Ambassadeurs (1533)

Holbein le Jeune, Les Ambassadeurs (1533)

   Afin de clarifier les distinctions qui s'imposent alors entre le banal et l'étrange, entre la grisaille des sensations et les lueurs d’une pensée consciente qui voudrait créer quelques concepts, un tableau d'Holbein le Jeune, intitulé Les Ambassadeurs (1533), nous donne à penser quelques perspectives inhérentes au problème de l'interprétation des apparences.

   En fait, dans la représentation spatiale d'une chose par l'art pictural, le concept d'imitation, illustré et renforcé par le fascinant décor luxueux où trônent deux ambassadeurs, est contredit par la violente sensation qui est produite par la présence d’une masse informe, en bas et à gauche, au premier plan du tableau…

   Cette masse informe qui flotte en perspective oblique paraît bien étrange. En fait, cette chose un peu ovale est une anamorphose, c'est-à-dire la déformation d’un objet  à l’aide d’un miroir convexe ou concave. Et cet objet mystérieux n'est rien d'autre qu'un crane déformé, dilaté et allongé, lequel évoque sans doute l’espace informe de la mort…

En tout cas, cette  anamorphose conteste la pertinence de toute apparence qui ne serait perçue que d'une manière immédiate et objective.

   Une méthode perspectiviste s'impose donc  pour interpréter une représentation. Il faut alors rapporter l'intervention du jeu d’optique, qui a déformé une chose en la rendant étrange, à la présence frontale, théâtrale, rassurante et pourtant banale des deux ambassadeurs qui posent fièrement devant le peintre, ainsi qu'à un petit crucifix à peine visible dans le coin gauche du haut du tableau…

   En définitive, le jeu des affects associe dans ce tableau divers sentiments : banals, originaux et étranges, pour montrer l'impossibilité de clarifier le concept de l'imitation, même si ce jeu réussit à poser le problème philosophique de la distinction, de la fusion ou de la séparation d'un objet avec un sujet. Le problème de l'imitation ainsi demeure : comment représenter une chose sans dénaturer l'objet imité, tout en le répétant d'une manière banale. Comment ne pas violenter cette imitation en sacralisant son apparition du reste renforcée par son isolement, voire sans l'édulcorer en unissant quelques fragments dispersés du réel ?

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À propos
claude stéphane perrin

Claude Stéphane PERRIN. Professeur de philosophie à la retraite, j'écris et je lis en méditant sur le problème de la non-violence, notamment à partir d'une idée non indifférente et non nihiliste du neutre .
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