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Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.

VOCABULAIRE D'ODILON REDON

Odilon Redon, Naissance de Vénus, huile, 1912. Kimbell Art Foundation,

Odilon Redon, Naissance de Vénus, huile, 1912. Kimbell Art Foundation,

VOCABULAIRE D'ODILON REDON

 

Âme : "Dans l'air celtique, il s'est accumulé un long dépôt de l'âme humaine." [1] "Si j'avais eu à parler de Michel-Ange à l'occasion du centenaire, j'eusse parlé de son âme. J'aurais dit que ce qu'il importe de voir dans un grand homme est, avant tout, la nature, la force de l'âme qui l'anime. Quand l'âme est puissante, l'œuvre l'est aussi." [2] "Tous les dehors montrent une âme ; ils l'expliquent, ils la prouvent." [3]

Amour : "Il faut aimer naturellement, indolemment, pour la joie, pour celle que nous recevons un jour, comme une grâce. Et c'est proclamer la nécessité du loisir." [4]

Ange : "Il y a une expression autre que simplement plastique dans l'Ange Gabriel de Rembrandt ; les divers âges de la vie et la manière de sentit le merveilleux ne sont-ils pas rendus avec une infinie délicatesse dans ce vieillard qui tombe comme abîmé dans la divinité ; dans cet adolescent qui admire, mais aussi analyse, regarde, interroge ; en cette femme qui joint les mains et prie ; en cette autre, plus vieille qui s'évanouit ; et, plus bas, dans ce chien qui aboie et semble représenter la bête dans son effroi et sa peur ? (…) L'unique accent de cette composition sublime est dans la lumière surnaturelle qui illumine et qui dore le messager divin. Là, dans la nature pure et simple du ton et dans les délicatesses du clair-obscur, est le secret de l'œuvre tout entière, invention toute pittoresque, qui incarne l'idée et lui donne, pour ainsi parler, de la chair et du sang." [5]

Art : "En somme, il faut souffrir, et l'art console ; il est un baume. Et cet oubli que nous trouvons dans la recherche heureuse fait notre richesse, notre noblesse, notre fierté." [6] "L'art est une fleur qui s'épanouit librement hors de toute règle ; il dérange singulièrement, ce me semble, l'analyse au microscope de savants esthéticiens qui l'expliquent." [7] "L'œuvre d'art est le fruit divin." [8] "L'art n'emprunte rien à la philosophie et n'a d'autre source que l'âme au milieu du monde qui l'entoure. Son essence est inconnue, comme celle de la vie ; et sa fin, c'est l'art même.(…) Non, il ne faut pas enchaîner son art à des convictions politiques ni à une morale. Au contraire, l'art doit fournir au philosophe, au penseur, au savant, et peut-être même au théosophe, qui sait ? Matière à spéculer et à aimer." [9]

Beau : "Le beau et le bien sont au ciel. La science est sur la terre ; elle rampe." [10] "Ce que révèle une attitude vraie, l'harmonie, la beauté d'un mouvement libre vient du fond même de la vie." [11]"Un tableau n'enseigne rien ; il attire, il surprend, il exalte, il mène insensiblement et par amour au besoin de vivre avec le beau ; il lève et redresse l'esprit, voilà tout." [12]

Bien : "Lorsque la société mue par le bien apportera dans la loi l'esprit de moralité et de bien qui préside à l'effort individuel, ce jour sera le règne définitif de la liberté et de l'obéissance au verbe divin." [13]

Ciel : "Il me montrait alors (son père), dans le ciel immuable, des apparitions d'êtres bizarres, chimériques et merveilleux.(…) Et au-dehors, dans la campagne, quelle fascination le ciel exerça sur moi ! (…) J'ai passé des heures, ou plutôt tout le jour, étendu sur le sol, aux lieux déserts de la campagne, à regarder passer les nuages, à suivre, avec un plaisir infini, les éclats féeriques de leurs fugaces changements. Je ne vivais qu'en moi, avec une répulsion pour tout effort physique." [14]"Imaginez des arabesques ou méandres variés, se déroulant, non sur un plan, mais dans l'espace, avec tout ce que fourniront pour l'esprit les marges profondes et indéterminées du ciel ; imaginez le jeu de leurs lignes projetées et combinées avec les éléments les plus divers, y compris celui d'un visage humain ; si ce visage a les particularités de celui que nous apercevons quotidiennement dans la rue, avec sa vérité fortuite immédiate toute réelle, vous aurez là la combinaison ordinaire de beaucoup de mes dessins." [15]

Clair-obscur : "Rembrandt me donna des surprises d'art toujours nouvelles. Il est le grand facteur humain de l'infini de nos extases. Il a donné la vie morale à l'ombre. Il a créé le clair-obscur comme Phidias la ligne. Et tout le mystère que comporte la plastique n'est désormais possible que par lui, pour le nouveau cycle d'art qu'il a ouvert hors de la raison païenne." [16]

Cœur : "Elles viennent (les choses du cœur),elles s'en vont. Elles laissent des passes profondes. Quand le temps les a touchés de son ombre, elles sont alors comme un accroissement de nous-même, une augmentation de la vie, un surcroît suprême où nous sentons le tourment divin nous grandir ; où la sensibilité, hier aride et toute sèche, reprend sa vie, sa résonnance d'autrefois, la fraîcheur vive des premiers ans : germination sacrée qui pourrait nous induire à l'idée que rien de ce qui est du cœur ne saurait finir – peut-être. (…) La notion du bien et du mal n'est plus, ou n'est plus nécessaire, parce que ce qui est du cœur à cet instant divin est alors quelque chose de l'éternité. (…) Comme si la loi d'aimer devait incessamment produire et créer partout où elle s'affirme, philtre délicieux, mirage charmant, verbe, extase et délire où le ciel même s'ouvre et se crée par elle." [17]"Que deviennent ces sympathies ? Elles vivent, elles persistent, elles s'en vont dans l'infini. Oui le cœur a besoin de l'âme, et l'âme appelle une immortalité. Sans cet appui dans l'inconnu, que ferions-nous donc sur la terre ? " [18]

Comprendre : "Tout comprendre, c'est tout aimer." [19]

Conscience : "Je me sens si fier et fort en ma vision consciente. Les choses du dehors qui s'épanouissent sans cesse autour de ma personne inquiète, affermissent en ce jour toute ma volonté." [20]

Contemplation : "Mon aptitude contemplative me rendit douloureux mes efforts vers une optique. À quel moment suis-je devenu objectif, c'est-à-dire assez regardeur des choses, assez voyant de la nature en soi, pour aller à mes fins et m'approprier des formes visibles ? Ce fut vers 1865. Nous étions en plein naturalisme d'avant-garde.(…) Nous faisions ensemble du paysage où je m'efforçais cependant à la représentation du ton réel." [21]"un état fixe de suggestive contemplation." [22] "Dans l'univers aussi, je contemple ; le grand Être si sûr, présent et mystérieux, dont les secrets m'affligent. Je le vois dans la nature entière, par ce jour si plein, si pur, le premier du Printemps. Vers lui mon cœur s'élève ; et plus haut, et plus loin, au fond du firmament, mes yeux se perdent, ils s'y fixent." [23] "Pour la vision active, il semble que l'œil projette de la lumière, qu'il éclaire lui-même ses images. On comprend alors que l'œil ait la volonté de voir ses visions, que la contemplation soit, elle aussi, volonté." [24]

Couleurs : "La couleur, exprimant désormais la passion et la vie intérieure…." [25] "Exaltation réciproque des Couleurs ou Contraste simultané.Si les complémentaires sont prises à égalité de valeur, les yeux humains pourront à peine en supporter la vue. Mélange du bleu et de l'orange à quantités égales gris incolore. Mais si l'on mêle ensemble deux complémentaires à proportions inégales, elles ne se détruiront que partiellement et l'on aura un ton rompu qui sera une variété du gris. Cela étant, de nouveaux contrastes pourront naître de la juxtaposition de deux complémentaires dont l'une est pure et l'autre rompue. La lutte étant inégale, une des deux couleurs triomphe et l'intensité de la dominante n'empêche pas l'accord des deux. Que si maintenant les semblables sont à l'état pur mais à divers degrés d'énergie, par exemple le bleu foncé et le bleu clair, on obtiendra un autre effet dans lequel il y aura un contraste dans la différence d'intensité et harmonie par la similitude des couleurs. Enfin si deux semblables sont juxtaposées, l'une à l'état pur, l'autre rompue, par exemple du bleu pur avec du bleu gris, il en résultera un autre genre de contraste qui sera tempéré par l'analogie. On voit donc qu'il existe plusieurs moyens différents, mais également infaillibles de fortifier, de soutenir, d'atténuer et de neutraliser l'effet d'une couleur, et cela en opérant sur ce qui l'avoisine, en touchant ce qui n'est pas elle.Une des ressources les plus précieuses est l'introduction du noir et du blanc. Le noir et le blanc sont, pour ainsi parler, des non-couleurs qui servent, en séparant les autres, à reposer l'œil, à le rafraîchir, alors surtout qu'il pourrait être fatigué par l'extrême variété autant que par l'extrême magnificence. Suivant les proportions qu'on leur donne, suivant le milieu où on les emploie, le blanc et le noir atténuent ou rehaussent les tons voisins ; quelquefois le rôle du blanc dans un tableau sinistre est celui qui joue en plein orchestre un coup de tamtam. D'autres fois, le blanc peut être employé pour corriger ce qu'aurait de brutal la contiguïté de deux couleurs franches telles que le rouge et le bleu. " [26] "Modulation des couleurs. – Les principales nous viennent des orientaux. Tressaillement de la surface colorée par le ton sur ton ; ton vibrant..Mélange optique. – Deux couleurs juxtaposées ou superposées dans certaines proportions (c'est-à-dire suivant l'étendue que chacune d'elles occupera) formeront une troisième couleur que nos regards percevront à distance, sans que le tisseur ou le  peintre l'ait écrite ; cette troisième couleur est une résultante que l'artiste a prévue et qui est née du mélange optique (ou des réactions réciproques d'un ton sur l'autre) exemple : Coupole du Luxembourg : une femme demi-nue assise à l'ombre. Femmes d'Alger : Chemise à semis de petites fleurs. Les murs sont garnis de mosaïques bleues et jaunes à petits dessins, composant une grande tonalité d'un vert doux, frais, indéfinissable. Ouverture d'un rouge vif. Dallage composé de petits carreaux violets et verts formant mosaïque. Pour exalter et harmoniser ces couleurs, il emploie tout ensemble le contraste des complémentaires et la concordance des analogues (en d'autres termes la répétition d'un ton vif par le même ton rompu). Il emploie l'action des blancs, des noirs, qui est tour à tour un repoussoir, un mordant et un repos ; il emploie aussi la modulation des couleurs et ce qu'on appelle le mélange optique. Par exemple le corsage orangé de la femme couchée sur le divan laisse voir le bord de ses doublures de satin bleu ; la jupe de soie violet foncé et rayée d'or. La femme debout porte un boléro d'un bleu clair et un madras orangé, trois tons qui se soutiennent et se font valoir l'un l'autre, à ce point que le dernier rendu encore plus éclatant par sa peau bronzée a dû être coupé avec des couleurs du fond afin de ne pas s'en détacher avec trop de violence. Ce contraste, on le voit sont des juxtapositions des complémentaires et des analogues.Il faut tempérer le contraste sans le détruire, il faut pacifier les tons en les rapprochant : la femme qui est assise près de la femme debout et qui a une rose dans les cheveux porte un demi-pantalon vert semé de mouchetures jaunes, tandis que sa chemise de soie présente un ton qui est modifié par un imperceptible semis de fleurettes vertes. Mais ce n'est point isolément, c'est par séries qu'il appose des tons et les entrelace, les fait se pénétrer mutuellement, se répondre, se mitiger, se soutenir." [27] "Le ton chaud dans l'ombre et le ton froid dans le clair, il en résulte une sensation particulière, celle de la fraîcheur sous un ciel d'Afrique." [28]

Création : "Il n'y a production que lorsqu'on a quelque chose à dire, par nécessité d'expansion." [29] "Je n'ai vraiment aimé la peinture et mon art que lorsque – le pli étant fait – après des efforts en plusieurs sens, j'ai senti, je ne dis pas la virtuosité, mais tout ce que me donnaient d'imprévu et de surprises mes propres inventions : comme si leur résultat eût dépassé mes espérances." [30] "L'expansion du sentiment triomphant des formes." " L'artiste ne doit pas, d'autorité sacrée, se croire tant au-dessus des autres. Le sens de la création est bien quelque chose, mais il n'est pas tout." [31]

Dessin "Dessins (…) formés, constitués et bâtis selon la loi de vie et de transmission morale nécessaire à tout ce qui est." [32]"Tout est rompu, ondoyant, sans contours visibles. Le seul dessin de ce paysage est dans la rigidité de cette ligne unique et horizontale qui coupe le tableau en deux, et s'étend indéfiniment devant soi, autour de soi, avec une force qui ne manque pas de grandeur." [33] "J'obéissais aussi aux incitations de le ligne seule – de même que je cédais au charme du clair-obscur." [34]"Tout mon art est limité aux seules ressources du clair-obscur et il doit aussi beaucoup aux effets de la ligne abstraite, cet agent de source profonde, agissant directement sur l'esprit." [35] "Je ne sens que les ombres, les reliefs apparents ; tout contour étant sans nul doute une abstraction."[36] "La ligne droite, cette abstraction active et décisive, sans laquelle la forme, comme le tableau, n'a point d'organisme." [37] "Je veux bien que le modelé soit essentiel dans notre art, mais à condition que sa seule fin soit la beauté. Hors d'elle, ce fameux modelé n'est que néant." [38]

 

 

Détails : "Je me suis encore efforcé de réaliser par le menu, avec la plus grande part de détails visibles, et avec relief, un morceau, un détail fragmentaire. (…) Ces fragments m'ont servi bien des fois depuis, à reconstituer des ensembles, et même à en imaginer." [39] "Le plus nécessaire à mon expansion a été, je l'ai dit souvent, la nécessité de copier directement le réel en reproduisant attentivement des objets de la nature extérieure en ce qu'elle a de plus menu, de plus particulier et accidentel." [40]

Doute : "On marche continuellement dans un doute mêlé de confiance, et ces dispositions tiennent alternativement le fil de notre vie." [41]

Exprimer : "Une grande expression très particulière par les noirs et les blancs." [42] "La répercussion d'une expression humaine, placée, par fantaisie permise, dans un jeu d'arabesques, où, je crois bien, l'action qui en dérivera dans l'esprit du spectateur l'incitera à des fictions dont les significations seront grandes ou petites, selon sa sensibilité et selon son aptitude imaginative à tout agrandir ou rapetisser." [43]

Femme : "Comme si en elle (la femme) se résumait ce que j'ai le plus aimé, ce qui me révèle le plus de lumière, ce qui me domina le plus et m'attira vers le beau. La femme est notre annonciateur suprême." [44]

Génie : "Si l'on entend par génie le désir de faire si simple, si large, que la nature même soit traduite dans une mesure insensée, mais grandiose, j'en ai." [45]

Grâce : "La grâce est révélatrice d'infinies virtuosités et d'une vie en puissance qui fait le charme de l'esprit, par les yeux." [46]

Illusion :"On ne peut m'enlever le mérite de donner l'illusion de la vie à mes créations les plus irréelles. Toute mon originalité consiste donc à faire vivre humainement des êtres invraisemblables selon les lois du vraisemblable, en mettant, autant que possible, la logique du visible au service de l'invisible." [47]

Imaginaire : "Je préférais tenter la représentation des choses imaginaires qui me hantaient et où j'échouai infructueusement au début." [48] "J'ai fait quelques fantaisies avec la tige d'une fleur, ou la face humaine, ou bien encore avec des éléments dérivés des ossatures, lesquels, je crois, sont dessinés, construits et bâtis comme il fallait qu'ils le fussent. Ils le sont parce qu'ils ont un organisme.Toutes les fois qu'une figure humaine ne peut donner l'illusion qu'elle va, pour ainsi dire, sortir du cadre pour marcher, agir ou penser, le dessin vraiment moderne n'y est pas." [49]"Après un effort pour copier minutieusement un caillou, un brin d'herbe, une main, un profil ou toute autre chose de la vie vivante ou inorganique, je sens une ébullition mentale venir ; j'ai alors besoin de créer, de me laisser aller à la représentation de l'imaginaire." [50]"Il faut «ausculter avec myopie le brin d'herbe ou le caillou». C'est après avoir dit cette sorte de chapelet que l'imagination prendra l'essor et, avec elle toute l'ébullition, toute l'exaltation nécessaires. (…) Il se passe ainsi, quand on a fixé le menu, obstinément, patiemment, tous les replis de sa vie, une sorte de puissance imaginative infusée, prête à jaillir ; elle est elle-même la source de cet art suggestif." [51]

Infini : "L'art plastique est mort sous le souffle de l'infini." [52]

Légende :"La désignation par un titre mis à mes dessins est quelquefois de trop, pour ainsi dire. Le titre n'y est justifié que lorsqu'il est vague, indéterminé et visant même confusément à l'équivoque." [53]

Logique visuelle :"J'ai plus aisément rapproché l'invraisemblable du vraisemblable, et j'ai pu donner de la logique visuelle aux éléments imaginaires que j'entrevoyais." [54]"Des expressions humaines et variées ; je les ai même, par fantaisie permise, portées dans le monde de l'invraisemblable, en des êtres imaginaires que j'ai tâché de rendre logiques avec la logique de la structure des êtres visibles." [55]

Maladresse : "Ils méconnaissent (ceux qui ont le vain désir de se montrer habiles) les études de Corot qui sont des chefs-d'œuvre de maladresse : l'œil et l'esprit y commandent tout ; la main y est esclave sous l'observation. Corot est l'ingénieux et sincère initiateur de cette pratique de l'art de peindre telle que celle des peintres de jadis quand ils étudiaient." [56]

Métaphore : "Mes dessins inspirent et ne se définissent pas. Ils ne déterminent rien. Ils nous placent, ainsi que la musique, dans le monde ambigu de l'indéterminé. Ils sont une sorte de métaphore." [57]"Il y a idée littéraire toutes les fois qu'il n'y a pas invention plastique."

Millet : "La grande originalité de Millet consiste dans le bonheur qu'il eût de développer deux facultés rarement réunies chez le même homme et en apparence contradictoires : il fut peintre et penseur. J'entends peintre proprement dit à la manière des Espagnols, des Hollandais et de quelques artistes français contemporains ; de tous ceux, en un mot, qui sentent la nature directe et la rendent pleinement sensible aux autres par la palette, par le ton. Cette sensualité exquise est un don rare qui procure à l'observateur des phénomènes du dehors des jouissances infinies, mais qui, aussi, a le danger d'entraîner dans la contemplation pure et d'absorber, d'effacer pleinement l'être pensant qui s'y livrerait sans mesure. La prédominance de cette faculté fait le peintre. Vélasquez, par exemple, en est la plus haute manifestation. (…) Rembrandt fut aussi admirablement doué pour donner par le clair-obscur la vie à son rêve. Et Millet tient de ce maître-là. Comme en lui le poète ne fut jamais absorbé par le peintre, il eut sa vision. Il chercha et trouva dans le plein air un monde absolument nouveau. Il donna la vie morale aux nuées. Les arbres et toute la nature inanimée de la campagne vivent de la vie de l'homme…" [58]

Misère : "J'ai toujours aimé la misère, la grandeur du haillon. (…) Celui qui souffre est celui qui s'élève." [59]

Moi : "Il (le botaniste Armand Clavaud) ne connut de moi que la sensibilité d'un être flottant, contemplatif, tout enveloppé  de ses rêves." [60] "J'ai fait un art selon moi." [61] "On a son âme partout ; on dispose d'une matière partout. C'est affaire de conduite intérieure, hors des faiblesses de la vanité ou des égarements de l'orgueil. Il y a des artistes de génie dans la misère, il y en a d'autres dans l'opulence. La fin d'une destinée est en soi-même ; elle suit des chemins cachés que le monde ne sait pas ; ils sont remplis de fleurs ou d'épines." [62] "La vérité est qu'on ne peut rien dire de soi, quant à ce qui naît sous la main, à l'heure soucieuse ou passionnée de la gestation. C'est bien souvent une surprise ; on a dépassé son but, voilà tout. Que dire de plus ! À quoi bon l'analyse de ce phénomène, ce serait vain. Il est mieux de le renouveler pour sa propre joie." [63] "S'ils ont la sagesse et la probité de rester toujours eux-mêmes, c'est-à-dire de ne cultiver que la fleur de leur propre jardin, fleur unique, humble ou luxuriante, mais qui sera toujours la marque de leur maîtrise." [64]

Monstre : "Je crois avoir obéi à ces intuitives indications de l'instinct dans la création de certains monstres. Ils ne relèvent pas, comme l'a insinué Huysmans, des secours du microscope devant le monde effarant de l'infiniment petit. Non, j'avais, en les faisant, le souci plus important d'organiser leurs structures." [65]

Musique : "Les chants m'exaltent ; ils sont vraiment ma première révélation de l'art, outre la bonne musique que j'avais déjà beaucoup entendue en famille. (…) Notre triste joie (…) issue des chants sacrés me révélait entièrement alors un infini sans mélange, découvert comme un absolu réel, le contact même de l'au-delà." [66]  "C'est en hiver que la musique a son plus grand prestige, elle plaît surtout le soir, d'accord avec le silence, pour plaire à l'imagination qu'elle éveille : c'est l'art nocturne, l'art du rêve, mais le tableau vient du soleil." [67]

Mystère : "Le monde mystérieux des ombres, à qui Rembrandt, en nous le révélant, donna le verbe." [68]"Le monde visible n'est que l'image des réalités spirituelles.(…) Le visible s'efforce à traduire le spirituel. (…) Odilon Redon, dont la portée reste peut-être encore méconnue, voulait ouvrir l'accès «au monde obscur de l'indéterminé». «Tout, énonçait-il, se fait par la soumission docile à la venue de l'inconscient.» On vit se manifester (…) la hantise des forces cachées : forces spirituelles, incontrôlées, dissimulées dans le mystère des choses…" [69] "Le sens du mystère, c'est d'être tout le temps dans l'équivoque, dans les double, triple aspects, des soupçons d'aspect (images dans images), formes qui vont être, ou qui le seront selon l'état d'esprit du regardeur. Toutes choses plus que suggestives, puisqu'elles apparaissent." [70]

Naïf : "L'étude naïve, celle que l'on fait dans l'oubli de ce qu'on sait avec désir d'approcher le plus docilement ce qu'on voit, reste un document sûr, fécond, inépuisable en ressources et dont on ne se lassera pas." [71]

Naturalisme : "S'il nous faut profiter des transformations accomplies par l'école des naturalistes – école qui, à mon avis, ne fait que continuer l'école classique – tâchons au moins de donner à la couleur vue la beauté suprême et si pure de la couleur sentie ; tout l'art moderne est là ; rien de grand, de beau, de profond, ne peut se traduire dans un autre mode… Je ne crois le retour au passé possible qu'après l'invasion d'une race barbare, des Russes par exemple et Dieu merci, nous ne le verrons pas." [72] "Mais Degas est un artiste.Il l'est, très exultant et libre. Venu de Delacroix (sans le lyrisme et la passion, bien entendu !), quelle science des tons juxtaposés, exaltés, voulus, prémédités, pour des fins saisissantes ! C'est un réaliste. Peut-être portera-t-il la date de Nana. C'est le naturalisme, l'impressionnisme, première étape du nouveau mode. Mais il restera pour ce hautain vouloir tenu toute sa vie vers la liberté." [73]

Nature : "L'univers est le livre que nous lisons sans cesse, la source unique, le moyen." [74] "J'ai fait un art selon moi. Je l'ai fait avec les yeux ouverts sur les merveilles du monde visible, et, quoi qu'on ait pu dire, avec le souci constant d'obéir aux lois du naturel et de la vie. (…) L'art participe aussi des événements de la vie. " [75]  "La nature, ainsi dosée et infusée, devient ma source, ma levure, mon ferment. De cette origine, je crois mes inventions vraies." [76] "C'est la nature aussi qui nous prescrit d'obéir aux dons qu'elle nous a donnés." [77] Redon a fréquenté à Bordeaux le botaniste Armand Clavaud qui "professait pour Spinoza une admiration quasi religieuse" :"J'étais aussi lié d'amitié avec Armand Clavaud, botaniste qui fit plus tard des travaux de physiologie végétale. Il travaillait dans l'infiniment petit. Il cherchait – je ne sais trop vous dire – sur les confins du monde imperceptible, cette vie intermédiaire entre l'animalité et la plante, cette fleur ou cet être, ce mystérieux élément qui est animal durant quelques heures du jour et seulement sous l'action de la lumière." [78] "Mais il y a dans la nature végétale, par exemple, des tendances secrètes et normales de la vie q'un paysagiste sensitif ne saurait méconnaître : un tronc d'arbre avec son caractère de force, lance ses rameaux selon des lois d'expansion et selon sa sève, qu'un artiste véritable doit sentir et représenter." [79] "Tout dérive de la vie universelle." [80] "La nature, dans une loi admirable, veut que nous profitions de tout, même de nos erreurs et de nos vices ; c'est une vie incessante, un labeur continu dont la sève est intarissable. Un seul regard sur nous prouve la vie et nous montre le pas accompli." [81] "Mais avec Dieu, en ami de la nature, je préfère les sentiers embarrassés sous les obstacles d'un chemin sauvage que nul travail humain n'a touché. Je laisse aller mon pied dans l'herbe humide et m'inspire au contact de la branche que mon visage effleure ; les pierres, les buissons, quoique remplis de ronces, ne m'arrêtent que pour m'entretenir et me parler…" [82] "On est là partout et nulle part. On est dans l'inconnu, dans la forêt sauvage, inoccupée." [83] "O montagne, l'homme infime qui te gravit est perdu dans ton immensité : tu ne seras jamais partagée ; ton domaine est celui de tous. Ta lisière, là haut, si près de ces beaux nuages qui caressent tes plus hauts sommets est voisine du ciel où chacun peut s'inspirer et s'élever. Montagnes et nuages, même région d'idéal et de rêverie." [84] "Je ne puis dire ce qu'ont été mes sources. J'aime la nature dans ses formes ; je l'aime dans le plus petit brin d'herbe, l'humble fleur, l'arbre, les terrains et les roches, jusqu'aux majestueuses cimes des monts. Toutes choses pour leur caractère en soi, plus que des ensembles. Je tressaille aussi profondément au mystère qui se dégage des solitudes." [85]"L'artiste subit, au jour le jour, le rythme fatal des impulsions du monde universel qui l'entoure. Centre continuel des sensations et toujours souple, hypnotisé par les merveilles de la nature qu'il aime, qu'il scrute, ses yeux, comme son âme, sont en rapport perpétuel avec les phénomènes les plus fortuits. Il incline même à cette communion qui est douce pour lui quand il est peintre. Comment sortirait-il d'un état où il se complaît et se borne, pour pénétrer comme le savant ou l'esthéticien dans la généralisation ? Il ne le peut : cette opération hors de soi lui est impossible…" [86]

 

Noir : "Le noir est la couleur la plus essentielle. Il prend surtout son exaltation et sa vie, l'avouerai-je? aux sources discrètes et profondes de la santé. (…) Il faut respecter le noir. Rien ne le prostitue. Il ne plaît pas aux yeux et n'éveille aucune sensualité. Il est agent de l'esprit bien plus que la belle couleur de la palette ou du prisme." [87]

Peinture : "La peinture est la beauté humaine avec le prestige de la pensée." [88]

Pensée :"J'ai subi les tourments de l'imagination et les surprises qu'elle me donnait sous le crayon, mais je les ai conduites et menées, ces surprises, selon des lois d'organisme d'art que je sais, que je sens, à seule fin d'obtenir chez le spectateur, par un attrait subit, toute l'évocation, tout l'attirant de l'incertain, sur les confins de la pensée." [89] "J'ai lu quelque part que le pouvoir de mettre ainsi dans un ouvrage plus de signification qu'on désirait soi-même et de surpasser en quelque sorte son propre désir par l'imprévu du résultat, n'est donné qu'aux êtres de sincérité et de loyauté entières, à ceux qui portent dans leur âme autre chose que leur art même. Je le croirais aussi : il leur faut le souci de la vérité, peut-être le don de pitié, ou d'en souffrir." [90] "Une pensée, ça ne peut pas devenir œuvre d'art, sauf en littérature. L'art n'emprunte rien à la philosophie, non plus." [91] "L'homme intelligent, dont l'incarnation la plus complète est le savant, le philosophe, ne peut résoudre le problème qu'il embrasse et dont la grandeur l'écrase, que dans une humeur grave, teintée de quelque amertume. Son héroïsme fait pitié ; il est meilleur, son cœur est grand, il comprend beaucoup. L'homme qui ne tire son élévation que du produit spirituel des autres, ne connaît point ce sublime malaise ; il ne dépassera la valeur du premier que si, voyant l'universelle harmonie des choses, né poète et doué de sens créateur, il est alors réellement et supérieurement l'homme infiniment complet et nécessaire qui, à travers la durée du temps et à une égale distance des extrêmes du mal et du mieux, transmet aux autres hommes l'élément suprême de la vie, le dépôt évocateur de la joie, l'œuvre d'art en un mot, qui est le fruit divin." [92]

Pissarro : "J'aimerais mieux proclamer avec Pissarro, que l'art de peindre réside, pour qui sait voir, au coin d'une table, dans une pomme. Peindre une pomme, quoi de plus bête ! Et cependant  pour faire de cette donnée si simple quelque chose qui s'élèvera à la beauté, il faudra que la peinture y soit tout entière, solide, souple, riche de substance, suggestive aussi jusqu'à ce luxe, cette grandeur d'y révéler la présence de l'homme ; une ambiance de pensées autour d'elle. Et Pissarro a peint la pomme toute seule, sans tout le reste." [93]

Poésie : "Ut pictura poesis" (Horace) « Il en est de la poésie comme de la peinture. Un tableau, vu de près, te saisira davantage ; et cet autre, si tu t’en éloignes. L’un aime le demi-jour, l’autre veut être regardé en pleine lumière et ne craint pas l’œil perçant du juge ; l’un a plu une fois, l’autre plaira dix fois de suite. » [94]

Portrait : "La peinture n'est pas la représentation du seul relief : elle est la beauté humaine avec le prestige de la pensée. Tout ce qui n'y incite pas est nul. Et le comble du mauvais portrait est de ne pas faire ressentir la présence de l'homme dans le visage d'un homme même." [95] "J'ai aimé et j'aime toujours les dessins de Léonard : ils sont comme une essence de vie, une vie exprimée par des contours autant que par des reliefs. J'en goûte leur esprit raffiné, civilisé, aristocratique ; j'y sens l'attrait grave qui m'élève à la haute délectation cérébrale." [96]"Le portrait est l'image d'un caractère, d'un être humain, représenté dans son essence. Toute la vie profonde qui le manifeste pour nous au dehors : attitude, expression, densité morale." [97]

Pudeur : "Le peintre n'est pas intellectuel lorsque, ayant peint une femme nue, elle nous laisse dans l'esprit l'idée qu'elle va se rhabiller de suite. Le peintre intellectuel nous la montre dans une nudité qui nous rassure, parce qu'elle ne la cache pas ; elle la laisse ainsi, sans honte, dans un éden, pour des regards qui ne sont pas les nôtres, mais ceux d'un monde cérébral, un monde imaginaire créé par le peintre, où se meut et s'épand la beauté qui jamais n'engendra l'impudeur, mais défère au contraire à toute nudité un attrait pur qui ne nous abaisse pas. Les femmes nues de Puvis de Chavannes ne se rhabillent point, ainsi que beaucoup d'autres dans le passé, au gynécée charmant d'un Giorgione, d'un Corrège. Il en est une, dans le Déjeuner sur l'herbe de Manet, qui se hâtera de se revêtir après l'ennui de son malaise sur l'herbe froide, auprès des messieurs sans idéal qui l'entourent et lui causent. Que disent-ils ? Rien de beau, je soupçonne." [98]

Regard :"Je me vois regardeur prenant plaisir au silence."

Rêve : "Les miens (mes dons) m'ont induit au rêve ; j'ai subi les tourments de l'imagination et les surprises qu'elle me donnait sous le crayon." [99] "Cependant je ne me promène au vignoble que comme un fantôme, étant irresponsable." [100]

Sensation : "L'artiste est, au jour le jour, le réceptacle de choses ambiantes ; il reçoit du dehors des sensations qu'il transforme par voie fatale, inexorable et tenace, selon soi seul." [101] "Toute sensation fait penser." [102] La réalité sentie est opposée à la réalité vue. "Manet est plus fort que nous tous, il a fait de la lumière avec du noir."[103] "L'orchestration chromatique" [104] "Peindre, c'est user d'un sens spécial, d'un sens inné pour constituer une belle substance. C'est, ainsi que la nature, créer du diamant, de l'or, du saphir, de l'agate, du métal précieux, de la soie, de la chair ; c'est un don de sensualité délicieuse qui peut avec un peu de matière liquide la plus simple, reconstituer ou amplifier la vie, en empreindre une surface d'où émergera une présence humaine, l'irradiation suprême de l'esprit. C'est un don de sensualité native. On ne l'acquiert pas." [105]

Silence : "Il est certaines choses du cœur qu'il faut subir et commenter dans le silence." [106]

Spiritalisme : "Le mot spiritualisme sera toujours compris comme exprimant l'opposé du mot matérialisme. Le définir est impossible." [107] La lumière de la spiritualité : "J'entends une irradiation qui s'empare de notre esprit et qui échappe à toute analyse." [108]

Style : "À l'élaboration de ce style, décoratif au meilleur sens du terme, concourt en particulier la connaissance des estampes japonaises, qui exercent leur influence non  seulement sur Redon, mais sur toute la peinture moderne depuis Manet et Degas." [109] "Les figures se dépouillent du modelé tridimensionnel et se trouvent en quelque sorte mises à plat, tendant ainsi vers la simplification ornementale et l'arabesque." [110] "On ne comprendra pleinement l'œuvre de ce maître (Puvis de Chavannes) qu'en se mettant à son propre point de vue qui est celui-ci, sans nul doute : modeler la figure humaine et les arbres et toutes choses comme s'ils étaient au dixième, au vingtième plan ; la clé de son œuvre est là. Regardez un objet lointain et voyez comme les lignes se simplifient, comme les plans se réduisent, comme l'écart des valeurs y est peu sensible. Les figures y ont une ombre, une lumière, et l'ombre projetée par les corps n'y est pas visible. À l'horizon les montagnes ne seront plus qu'une arête qui se découpera sèchement sur le ciel, comme un décor. Puvis de Chavannes est presbyte par abstraction : il a dû réfléchir longtemps avant de peindre et de trouver sa voie, cette voie discutée et contestée comme toutes celles qui découvrent une intelligence personnelle. Bien lui a valu pourtant de la trouver et de la suivre, puisqu'il a pu nous livrer son esprit sans réserve, peindre son rêve, et faire en un mot une œuvre que l'on imite et qui restera : il a trouvé un style." [111]

Suggérer : "L'art suggestif ne peut rien fournir sans recourir uniquement aux jeux mystérieux des ombres et du rythme des lignes mentalement conçues." [112]"L'art suggestif est comme une irradiation des choses pour le rêve où s'achemine aussi la pensée. Décadence ou non, il est ainsi. Disons plutôt qu'il est croissance, évolution de l'art pour le suprême essor de notre propre vie, son expansion, son plus haut point d'appui ou de maintien moral par nécessaire exaltation." [113]"Pour ce qui est de moi, je crois avoir fait un art expressif, suggestif, indéterminé. L'art suggestif est l'irradiation de divins éléments plastiques, rapprochés,combinés en vue de provoquer des rêveries qu'il illumine, qu'il exalte, en incitant à la pensée." [114]"Cet art suggestif est tout entier dans l'art excitateur de la musique, plus librement, radieusement ; mais il est aussi le mien par une combinaison de divers éléments rapprochés, de formes transposées ou transformées, sans aucun rapport avec les contingences, mais ayant une logique cependant." [115]"Qu'ai-je mis en mes ouvrages pour leur suggérer tant de subtilités ? J'y ai mis une petite porte ouverte sur le mystère. J'ai fait des fictions. C'est à eux d'aller plus loin." [116]"Devant ces décorations singulières, qui paraissent secouées et confondues par quelque tremblement de terre, on a la sensation d'un monde décomposé en tons diffus d'où émergent çà et là des formes embryonnaires qui tendent à se grouper et à s'organiser selon des aspects inconnus. L'art distant d'Odilon Redon, de spiritualité si rare, moire tremblante à la surface d'une eau transparente et suspecte dont le fond serait de nacre et de corail et qui symbolise assez bien, à la manière littéraire, ces fermentations obscures (…) tente de contenir, dans l'éclat cristallisé de ses bijoux et de ses fleurs, ce qui n'est qu'hésitation, frisson, passage, mouvement indéterminé." [117]"Ce monde visible n'est pas le royaume de l'illusion, mais bien plutôt celui de la suggestion, des références cachées et parfois occultes. Une sorte de pouvoir magique relie les œuvres démoniaques du début aux natures mortes, aux fleurs de la dernière période. En recherchant, pour exprimer ses sentiments, des correspondances chromatiques et formelles, Redon suit une voie qui avait été indiquée en premier lieu par Baudelaire et qui préoccupait les artistes d'avant-garde. (…) Redon a en commun avec la nouvelle génération d'artistes non seulement le goût de l'intimité et de la couleur conçue comme élément constructif et non plus imitatif, mais aussi un sens nouveau de l'espace. En replaçant les illustrations dans leur déroulement chronologique, on peut voir comment son espace pictural se dépouille progressivement de ses divers plans pour ne plus constituer qu'un seul et unique plan. La surface unie qui en résulte ne renvoie plus, en conséquence, aux qualités tactiles de notre expérience quotidienne, mais révèle les traces magiques de ses visions immatérielles…" [118]

Symboliste : "Dans une œuvre charnière de 1890, Yeux clos, elle évoque l'"océan de terre" des Landes en prenant l'aspect d'une étendue d'eau dans la peinture, de terre dans la lithographie.[119]  "Et je me souviens, en souriant, que j'ai fait autrefois, ainsi que Dürer, un ange des certitudes : il sourit, vieillot, dans un rai de lumière que domine un ciel noir, où j'ai mis un regard interrogateur. J'étais moins conscient que Dürer." [120]

Tableau : "Mais le tableau vient du soleil. Il naît avec le jour et la lumière, et c'est pourquoi toujours, à la saison nouvelle, au moment où le peintre de paysage va vers le champ, le dilettante parisien se tourne de préférence vers l'art de la couleur et de la vie, comme un doux repos après l'hiver et les veillées." [121]

Vérité : "La nature est trop diverse dans son activité infinie pour qu'il nous soit possible de pénétrer son action et d'en comprendre les procédés. Le cœur, l'amour dans sa fine docilité est encore le meilleur et le seul guide ; car ce n'est peut-être que par lui que la vérité se révèle : il a le tact, la certitude, l'affirmation." [122]

Vie : "Je me sens homme enfin, homme en sa plénitude ; en moi, jusqu'à l'excès et à son comble, la vie s'accroît, elle palpite. Sensible à tout, tout vit, tout parle, et le verbe, jamais, ne s'exposa si clair, si haut, à mes yeux étonnés." [123]

Vision : "L'œil aussi est indispensable à l'absorption des éléments qui nourrissent notre âme, et quiconque n'a point développé en une certaine mesure la faculté de voir, de voir juste, de voir vrai, n'aura qu'une intelligence incomplète. Voir, c'est saisir spontanément les rapports des choses." [124] "L'image d'une vision contredit à la notion même de représentation. En effet, pour reprendre les termes de Panofsky, tout progrès dans la vraisemblance et l'animation renforce plus qu'il ne l'affaiblit l'effet hallucinatoire. La «vision» ne doit d'apparaître comme telle qu'à l'ordre même auquel elle contredit, mais qui s'ouvre cependant à elle et l'accueille, au prix d'une fracture semble-t-il irréparable." [125

[1] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[2] Odilon Redon, 1876, À soi même, op.cit.

[3] Odilon Redon, 1877, À soi même, op.cit.

[4] Odilon Redon, décembre 1903, À soi même, op.cit.

[5] Odilon Redon, 1879, Anvers, le 5 août, À soi même, op.cit.

[6] Odilon Redon, le 15 octobre 1867, À soi même, op.cit,.

[7] Odilon Redon, le 21 juillet 1878, À soi même, op.cit.

[8] Odilon Redon, 1888, À Madame Violet, À soi même, op.cit.

[9] Odilon Redon, 1909, À soi même, op.cit.

[10] Odilon Redon, le 12 avril 1869, À soi même, op.cit.

[11] Odilon Redon, le 2 juin 1877, À soi même, op.cit.

[12] Odilon Redon, 1909, À soi même, op.cit.

[13] Odilon Redon, le 12 avril 1869, À soi même, op.cit.

[14] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[15] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[16] Odilon Redon, le 15 octobre 1867, À soi même, op.cit.

[17] Odilon Redon, 1875, Peyrelebade, À soi même, op.cit,.

[18] Odilon Redon, 14 mai 1878, le dixième jour du journal, À soi même, op.cit.

[19]  Odilon Redon, le 10 août 1877, À soi même, op.cit.

[20]  Odilon Redon, le 2 juin 1877, À soi même, op.cit.

[21] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[22] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[23] Odilon Redon, le 2 juin 1877, À soi même, op.cit.

[24] Bachelard, L'Eau et les rêves, Corti, 1942-1971, p.41.

[25] Odilon Redon, 1878, À soi même, op.cit.

[26] Odilon Redon, 1878, À soi même, op.cit. 1870.

[27] Odilon Redon, 1878, À soi même, op.cit.

[28] Odilon Redon, 1878, À soi même, op.cit.

[29] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[30] Odilon Redon, le 15 octobre 1868, À soi même, op.cit.

[31] Odilon Redon, le 14 mai 1887, À soi même, op.cit.

[32] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[33] Odilon Redon, le 20 juillet 1878, Harlem, À soi même, op.cit.

[34] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[35] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[36] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[37] Odilon Redon, 1879, Anvers, le 5 Août, À soi même, op.cit.

[38] Odilon Redon, novembre 1902, À soi même, op.cit.

[39] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal(1867-1915), H. Floury, 1922.

[40] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal(1867-1915), H. Floury, 1922.

[41] Odilon Redon, 1870, À soi même, op.cit.

[42]  Matisse (Henri), cité par Georges Duthuit, dans Matisse – Écrits et propos sur l'art, Hermann, 1972, p.203.

[43]  Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[44] Odilon Redon, Peyrelebade le 14 mai 1875, À soi même, op.cit.

[45] Odilon Redon,  1867-1868, À soi même, op.cit.

[46] Odilon Redon, 1900, À soi même, op.cit.

[47] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal(1867-1915), H. Floury, 1922.

[48] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal(1867-1915), H. Floury, 1922.

[49] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal(1867-1915), H. Floury, 1922.

[50] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal(1867-1915), H. Floury, 1922.

[51] Odilon Redon, 1909, Paris, 27 juillet, À soi même, op.cit.

[52] Odilon Redon, 1869, Paris, 18 août, À soi même, op.cit.

[53] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal(1867-1915), H. Floury, 1922.

[54] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[55] Odilon Redon, décembre 1911, À soi même, op.cit.

[56] Odilon Redon, 1876, À soi même, op.cit.

[57] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal(1867-1915), H. Floury, 1922.

[58] Odilon Redon, 1913, À soi même, H. Floury, 1922.

[59]  Odilon Redon, le 2 juin 1877, À soi même, op.cit.

[60] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

 

 

[61]  Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[62] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[63] Odilon Redon, juin 1903, À soi même, op.cit.

[64] Odilon Redon, décembre 1911, À soi même, op.cit.

[65] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[66]  Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[67]   Odilon Redon, le 14 mai 1878, À soi même, op.cit.

[68] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[69]  Huyghe (René), Sens et destin de l'art, 2, Flammarion, 1967-1985, pp. 229, 233, 256, 260.

[70] Odilon Redon, 1902, À soi même, op.cit.

[71]  Odilon Redon, mai 1868, À soi même, op.cit.

[72] Odilon Redon, 1878, À soi même, op.cit, 1870.

[73]   Odilon Redon, le 10 mars 1889, À soi même, op.cit.

[74]   Odilon Redon, le 10 août 1877, À soi même, op.cit.

[75]  Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[76] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[77] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[78]  Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[79] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[80] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[81] Odilon Redon, 1869, Paris, 12 avril, À soi même, op.cit.

[82] Odilon Redon, 1869, Paris, 18 août À soi même, op.cit.

[83] Odilon Redon, 14 mai 1878, le sixième jour du journal, À soi même, op.cit.

[84] Odilon Redon, 14 mai 1878, le dixième jour du journal, À soi même, op.cit.

[85] Odilon Redon, juin 1902, À soi même, op.cit.

[86] Odilon Redon, juillet 1910, À soi même, op.cit.

[87] Odilon Redon, janvier 1913, À soi même, op.cit.

[88] Odilon Redon, novembre 1902, À soi même, op.cit.

[89] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[90] Odilon Redon, le 15 octobre 1868, À soi même, op.cit.

[91] Odilon Redon, 1888, À soi même, op.cit.

[92] Odilon Redon, 1888, À Madame Violet, À soi même, op.cit.

[93] Odilon Redon, décembre 1903, À soi même, op.cit.

[94] Horace, Art poétique, v. 361, traduction de Leconte de Lisle.

[95] Odilon Redon, novembre 1902, À soi même, op.cit.

[96] Odilon Redon, juin 1902, À soi même, op.cit.

[97] Odilon Redon, décembre 1903, À soi même, op.cit.

[98] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), et le 14 mai 1888, H. Floury, 1922.

[99]  Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[100]  Odilon Redon, Lettre à Maurice Fabre du 25 août 1891.

[101]  Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[102]   Odilon Redon, 1877 ou 1878, lettre à un ami, À soi même, op.cit.

[103]  Pissarro (Camille), cité dans Matisse – Écrits et propos sur l'art, Hermann, 1972, p.203.

[104]  K.Berger, Encyclopaedia Universalis, Volume 13, Paris, 1968, p.1042.

[105]   Odilon Redon, décembre 1903, À soi même, op.cit.

[106]  Odilon Redon, 1875, Peyrelebade, À soi même, op.cit.

[107]  Odilon Redon,  le 12 avril 1869, Paris, À soi même, op.cit.

[108]   Odilon Redon,

[109]  K.Berger, Encyclopaedia Universalis, Volume 13, Paris, 1968, p.1042.

[110]  K.Berger, Encyclopaedia Universalis, Volume 13, Paris, 1968, p.1042.

[111]  Odilon Redon, 1882, À soi même, H. Floury, 1922.

[112] Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[113]  Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[114]   Odilon Redon, juillet 1910, À soi même, op.cit.

[115]  Odilon Redon, À soi même, Confidences d'artiste, Journal (1867-1915), H. Floury, 1922.

[116]  Odilon Redon, 1888, À soi même, op.cit.

[117] Élie Faure, Histoire de l'art – L'Art moderne 2, Le Livre de poche 1965, p.198.

[118] K.Berger, Encyclopӕdia Universalis, Volume 13, Paris, 1968, p.1042.

[119]  Gamboni (Dario), La Plume et le pinceau – Odilon Redon et la littérature, Minuit, 1989, p.22.

[120]  Odilon Redon, 1906, À soi même, op.cit.

[121]  Odilon Redon, 14 mai 1878, À soi même, op.cit.

[122]  Odilon Redon, 1870, À soi même, op.cit.

[123]   Odilon Redon, le 2 juin 1877, À soi même, op.cit.

[124]  Odilon Redon, le 7 mai1875 et lettre à un ami de 1877 ou 1878, À soi même, H. Floury, 1922.

[125]  Damisch (Hubert), Théorie du nuage, Seuil, 1972, p.204.

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À propos
claude stéphane perrin

Claude Stéphane PERRIN. Professeur de philosophie à la retraite, j'écris et je lis en méditant sur le problème de la non-violence, notamment à partir d'une idée non indifférente et non nihiliste du neutre .
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