Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.
2 Février 2015
Un extrait de Pour un cinéma d'auteur (pages 41-58).
L'ouvrage est disponible chez
AMAZON et AMALIVRE (Paris).
- À travers le miroir - 1961- (Sosom i en spegel) ou La recherche de l'unité
Plongeant chaque fois dans l’inconnu, les films d'Ingmar Bergman s’ouvrent sans cesse sur de nouvelles perspectives, de nouveaux prolongements. Ils reprennent et répètent parfois des aboutissements antérieurs provisoires, jamais complètement résolus. C’est par cette ligne incertaine et indéfinie que ces prolongements sont reliés les uns aux autres, qu'ils se répondent et se complètent. Il n’est donc pas aisé de penser avec précision le monde bergmanien qui est sujet à des modifications importantes, souvent même étonnantes. Nul ne saurait nier, toutefois, une certaine constante dans l'orientation des propos, des angoisses et des problèmes, car cet auteur a pris le doute, l’incertitude et l’interrogation pour fondement de son cheminement vers quelques vérités. Il retourne d'ailleurs inlassablement vers les mêmes abîmes mystérieux pour trouver quelque issue. Mais, véritable épreuve de l’ambiguïté, l’activité de l’auteur, toute en essor, rebondissements, élans recommencés, n’arrête pas le mouvement de ses recherches, les heurts de ses antinomies, la mobilité perpétuelle, le flux et le reflux de ses engagements. Bergman s’embarrasse en effet de problèmes mystérieux ; il s’engage dans l’instant pour se dégager plus tard, au risque évident de se contredire pour mieux affirmer la vérité, ou plutôt son inlassable recherche de quelque vérité.
Ainsi, en schématisant, le thème central de la quête de l’auteur est-il moins le sens de la vie dans Sosom i en Spegel (À travers le miroir), (Nära livet : Au Seuil de la vie), de la destinée (Smultronstället : Les Fraises sauvages), de la souffrance (Gycklarnas afton : La Nuit des forains), du plaisir (Sommarnattens leende : Sourires d’une nuit d’été), du péché (Fängelse : La Prison ; dans le film l’un des personnages dit : « Notre monde est l’enfer et le diable dirige tout »), de la mort (Det Sjunde Inseglet : Le Septième Sceau), que la recherche d’un point de fusion toujours lointain entre l’amour humain et la réalité de Dieu :
DAVID. – Là où il y a de l’amour, il y a du divin.
MINOS. – Quelle sorte d’amour ? Pas le désir ?
DAVID. – Toutes les formes d’amour, le désir aussi.
Cette ébauche d’une nouvelle espérance ou foi, axée sur des éléments intenses tels que l’amour humain, n’est pas assurée, comme pour Pascal qui affirmait : "C’est le cœur qui sent Dieu". Car il ne s’agit pas d’une vérité déjà donnée et Minos ne suivra peut-être pas le choix que son père lui indique. Bergman hésitait d’ailleurs entre plusieurs mots très révélateurs pour caractériser son film : « Certitude angoissée, certitude spasmodique, spasme de certitude, certitude conquise de haute lutte.» [1] Néanmoins, cette idée d'un mystère divin, qui reposerait sur la croyance irrationnelle en un Dieu vivant et immanent au monde, paraît trop romantique à Bergman. Il le précise lorsqu'il conclut le second film de sa trilogie (Nattvardsgästerna : Les Communiants) par une prière à un Dieu non nommé et au-delà des formules. Ici, le titre original (Sosom i en Spegel), qui devrait être traduit par : « Comme en un miroir », nous indique que l’auteur découvre dans les épaisseurs du monde terrestre des dimensions inaccessibles. Pourquoi, par exemple, le psychiatre ne croit-il pas à une guérison durable de Karin ?
Pour expliquer le choix de son titre, Bergman cite l’Épitre de Saint Paul aux Corinthiens et particulièrement ce passage (XIII, I2) : « Aujourd’hui, certes, nous voyons comme en un miroir, d’une manière confuse ; mais alors ce sera face à face. Aujourd’hui, je connais d’une manière imparfaite ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu. » [2] Ainsi respirons-nous dans son film une atmosphère très imprécise. Nous cherchons à y deviner l’inexprimé : quel rapport y a-t-il entre l’idée de la divinité et les hallucinations de Karin qui dit avoir vu Dieu ? Nous suivons les méandres d’un projet qui touche d’abord notre sensibilité par le rythme de ses discrètes oscillations.
Les dialogues cherchent-ils ainsi à fonder quelque thèse ? Entre l’opinion de David : « Nous ne pouvons pas savoir si l’amour est une preuve de l’existence de Dieu, ou si l’amour est Dieu en personne», et celle de Karin : « Dieu est venu, c’est une araignée : il a grimpé sur ma poitrine, a voulu pénétrer en moi, mais je me suis défendue», la divergence éclate. Certains critiques reprochent parfois à Bergman ces oppositions trop marquées. Le jeu mouvant des antinomies prête en effet à confusion. La thèse se transforme en questionnement, mais l’on aurait tort de penser que les dualités nombreuses, que l’auteur rencontre en lui-même et exprime, ne sont pas authentiques. Seules leur projection et leur transformation en images le sont parfois moins : dans Djävulens öga (L'Œil du Diable) par exemple.
Nous ne relevons pourtant, dans À travers le miroir, aucun schématisme lorsque Bergman confronte le croyant à l’incroyant (Karin à Martin), car les oppositions revêtent toujours des prolongements sincères et ambigus. Il serait grave, en effet, de conclure que le dualisme a pour conséquence l’irréalisme. Ce serait décréter que le réalisme est obligatoirement « moniste »…
Ne découvrons-nous pas, plutôt, un univers ni irréel ni imaginaire, où la vérité serait toujours, et avant tout, subjective ? Bergman rejoindrait ainsi les incertitudes de Kierkegaard : « La vérité doit subir la souffrance, être outragée, insultée ». L’auteur de Ou bien… ou bien écrivait précisément : « Riez des folies de ce monde, vous le regretterez ; pleurez sur elles, vous le regretterez également ; si vous riez des folies de ce monde ou si vous pleurez sur elles, vous regretterez l’un et l’autre.» [3] De la même façon, aveuglés par quelque lueur mystérieuse, les personnages de Bergman, tels des papillons de nuit, oscillent entre lumières et ténèbres, bien et mal, et réalisent que ce cheminement incertain n’a peut-être pas d’issue. Karin, aliénée, dit qu’elle a été contrainte à faire le mal ; or au même instant elle aspirait sans doute à quelque pureté : « Je ne l’ai pas fait de ma propre volonté. C’est une voix qui m’a dicté mon comportement […] J’ai essayé de résister, mais je n’ai pas pu m’y soustraire. J’y ai été forcée ».
Certes, David choisira la vie et l’amour plutôt que l’art et la solitude, Karin décidera : « On ne peut pas vivre dans deux mondes à la fois. Il faut choisir, je n’ai pas la force d’aller d’un monde à l’autre sans arrêt », mais chacun peut se demander dans quelle mesure ces choix seront définitifs. Il est donc très hasardé de parler d’irréalisme à propos d’un auteur qui nous livre, dans chacun de ses films, l’exorcisme de ses doutes et de ses angoisses, le journal intime de ses interrogations et de ses doutes, et qui avoue : « Je ne suis pas celui que l’on croit que je suis, je ne suis pas non plus, celui que je crois être.» [4]
En somme, l’irréalité ne doit pas être confondue avec la surréalité (au sens d'un élargissement intense du réel). On sait, en effet, que Bergman a toujours cherché la fissure qui pourrait lui permettre de pénétrer dans une réalité plus féconde que la réalité ordinaire. Dans ses films antérieurs, s’affirmait en effet un indubitable mélange de rêve et de réalité. Parfois, son univers était aussi constitué d’illusions et d’apparences souvent trompeuses. On se rappelle le cauchemar éveillé des Fraises sauvages, les allégories du Septième Sceau et le fantastique de Ansiktet (Le Visage). Dans À travers le miroir, on pourrait penser, à cause de cette mauvaise traduction française du titre, que le miroir représente la réalité, l’univers des apparences, celles de ce film ; et que Bergman nous entraîne de l’autre côté des représentations objectives, qu’il fait voler le miroir en éclats pour chercher au-delà.
En fait, ce n’est pas seulement l’œuvre qui oscille entre le réel et l’imaginaire pour déboucher parfois sur quelque irréalité. C’est surtout l’un des protagonistes : Karin. En effet, cette jeune femme passe par intermittences de l’autre côté du miroir (qui ne signifie ni le narcissisme ni la multiplicité des apparences de son moi). Elle évolue de la folie à la lucidité, de l’irréel au réel. Bergman qui cherche sans doute le point de fusion de l’imaginaire et du réel, du communicable et de l’incommunicable, ne nous entraîne pas, alors, dans le monde fictif que Karin entrevoit par un dérèglement de tout son être : onanisme, retour à l’esprit d’enfance. Portée par son père et déposée sur un lit, elle s’y pelotonne comme un fœtus, puis elle se réfugie dans le ventre d’un bateau. L’inceste s’y déroulera. Bergman ne nous montre pas si Karin traverse effectivement les murs ; il ne nous fait pas entendre les révélations surnaturelles que seul cet être « déréalisé », ayant perdu le sens du réel, perçoit, ou croit percevoir ; il ne cherche donc pas à expliciter l’invisible et l’inexplicable.
Et pourtant, enregistrant de l’extérieur, avec une précision clinique, la schizophrénie ou la névrose de Karin, il nous suggère par ses images, ses monologues et ses dialogues, des réalités qui dépassent toute réalité, il parvient à mettre notre esprit critique en déroute, peut-être à approcher l’unité souterraine du monde. Nous nous demandons alors si le mystère de la folie rejoindrait celui de la divinité et nous cherchons à séparer, dans les paroles de Karin, la réalité de l’irréalité : «Je suis entre les deux et parfois ne suis pas sûre. Je sais que j’ai été malade et que j’ai été soignée. Mais ma maladie était comme des rêves. Mais cela, ce ne sont pas des rêves, c’est la réalité. Ça doit être la réalité ! […] Si. Un Dieu descend de la montagne. Il traverse la forêt sombre : partout des oiseaux de proie dans le crépuscule et le silence. Il faut que ce soit la réalité. Je ne rêve pourtant pas et je dis la vérité. Je suis aussi bien dans ce monde que dans l’autre, et je ne peux l’empêcher.»
Cette dialectique ou cette fusion du réel et de la fiction est parfois plus explicite, malgré son insondable ambiguïté. On pourrait essayer de la résumer, d’en retenir l’essentiel. Mais ne serait-ce pas trahir l’œuvre ? Un classement trop simple ne chasserait-il pas le mystère qui émane des interprétations possibles, uniquement possibles ? Si un résumé succinct avait quelques chances d’approcher la vérité de l’œuvre, en aurait-il une seule de nous révéler ses sources créatrices ? Nous sommes d’ailleurs loin, dans ce film, d’un huis clos sartrien où les décors, la nature et les objets seraient les signes constitutifs d'un indéniable et clair discours. Cette maison d’été, cette île de la Baltique, cette plage caillouteuse loin du monde, ce grenier qui évoque « les cellules » de Bresson, ces lieux clos qui rappellent des compartiments de chemin de fer, les chambres d’hôtel et les cliniques d’autres films de Bergman, ne sont pas seulement des symboles, car ils pèsent de tout leur poids d’évidence et de réalité.
La nature, triste comme un premier matin d’automne, est là pour confirmer, avec ses eaux sombres, visqueuses, peu claires, son ciel gris, nuageux ou orageux, à quel point les personnages en subissent l’emprise naturelle. Karin se lève, écoute le vent, le cri d’un coucou de loin en loin, et se sauve en disant à Minos (son frère) que la pluie approche. Plutôt qu’un « no man’s land », hors de la société et du temps, nous découvrons un lieu ambigu qui est celui du repos, des vacances et, surtout, celui qui précipitera le surgissement de quelques angoisses et délires mystiques. Bergman en recherche alors la pureté originelle et sauvage. Dès les premières images, pendant que les nuages semblent pénétrer dans la mer, les quatre protagonistes du film sortent de l’eau comme au premier jour d’un monde nouveau. Ils se tiennent par la main, se séparent puis s’éparpillent sur l’île déserte. Dès lors, dressés en contre-plongée devant un ciel blanchâtre et froid, assoupis sur quelques rochers chauds, étouffés par une nuit épaisse, ils seront enveloppés par le souffle cosmique de la nature qui modèlera leurs élans : « C’est une lutte dans un cercle de paysages immenses et hostiles, ennemis de l’homme, paysages crépusculaires, et qui respirent comme des bêtes […] C’est cette respiration, c’est cette présence presque charnelle, et plus encore sensuelle des paysages, ce sont ces perspectives soudaines qui ouvrent sur les profondeurs, non point seulement d’un horizon bas et brouillé ; mais aussi sur les profondeurs originelles (comme si tout venait de cette mer glauque et tout devait se perdre en elle) qui donnent au film son emprise magique, son intense pouvoir sur l’imagination et le rêve, l’image domine, l’image triomphe.» [5]
De la même façon, le nombre très réduit des personnages n’apporte aucune précision didactique. Et Bergman n’a choisi aucun d’eux pour exprimer les différentes facettes de sa pensée. Certes, l'auteur analyse des émois, compare des épreuves, oppose des angoisses, mais il ne classe pas ces confrontations afin de créer un dualisme plus marqué, afin de passer de l’observation à quelque loi. Il reproduit uniquement des expériences humaines, extérieures et intérieures, et non des idées ou des concepts. Ainsi entendons-nous les dialogues suivants :
MINOS. – Si seulement je pouvais parler au moins une fois avec papa ! Mais il est tellement enfermé dans son univers… Lui aussi […] Je me demande si tous les êtres sont enfermés.
KARIN. – Comment cela ?
MINOS. – Enfermés. Toi dans ton univers, moi dans le mien, chacun dans le sien. Tous les êtres humains ?
Plus tard, David dira à Martin : « De mon inanité est né quelque chose que je n’ose pas toucher ni même nommer. Un amour… Pour Karin et pour Minos. Et pour toi. » Non seulement les juxtapositions ne sont pas arbitraires, mais elles aboutissent à la constatation qu’un être authentique, un être de chair écartelé par l’ambivalence de ses souffrances, ne saurait se totaliser en un genre, se figer en une réalité immuable. Un frémissement intense secoue en effet l’inertie des êtres, attise leur recherche désespérée du mystère divin, leur désir passionné d’atteindre à l’absolu, à la communication, à l’unité. Nous ressentons bien les liens qui rapprochent, les forces qui repoussent ; et l’auteur accompagne chaque être dans son devenir, sachant que nul ne saurait saisir l’inépuisable et le non inventoriable. Minos déclare : « La vérité a éclaté et je me suis effondré. C’est comme dans les rêves, mais c’est réel ? Tout peut arriver… »
Le geste neuf, encore ébauché, de David qui décide, du fond de son possible néant, d’affronter la vie, de secouer sa veulerie et de se tourner vers autrui… va sans doute lui permettre d’accomplir autrement sa vie. Bergman observe ce mouvement complexe ; l’élan intense et l’existence mystérieuse d’êtres qui se projettent vers de nouveaux affrontements, de nouvelles crises. La référence aux paradoxes de Kierkegaard s’impose parfois : «L’angoisse est le possible de la liberté. […] L’homme ne peut fuir l’angoisse, car il l’aime, il ne peut à vrai dire l’aimer, car il la fuit. […] L’angoisse est une antipathie sympathique et une sympathie antipathique.» [6] Ou bien chaque personnage continue à chercher une vérité possible, même inachevée ou menacée, à choisir sa vérité, la vérité d’une vie en mouvement, d’épreuves futures, et à contraindre autrui à quelques aveux :
DAVID. – Es-tu capable de contrôler tes pensées les plus secrètes ?
MARTIN. – Je ne suis pas si compliqué. Mon univers est très simple. Et assez clair et humain.
DAVID. – Malgré cela, plusieurs fois, tu aurais souhaité que Karin soit morte.
MARTIN. – Non. Absolument pas. C’est à toi qu’il vient de pareilles idées.
DAVID. – Est-ce que tu peux jurer qu’une telle pensée ne t’est jamais venue à l’esprit ? Sinon cela serait parfaitement logique. Tu sais bien que son cas est sans espoir, et tu es persuadé que votre souffrance ne sert à rien. Dans ce cas, elle pourrait tout aussi bien être morte.
Par ailleurs, À travers le miroir pose, très explicitement, un problème esthétique. Quel rapport y a-t-il entre le contenu et la forme ? Quel rôle l’art peut-il jouer dans la vie ? La question fût déjà abordée par plusieurs films antérieurs et notamment par Till glädje (Vers la félicité). Il découlait de cette œuvre que l’art procure une joie telle qu’elle dépasse toute douleur. Certes, c’est peut-être dans l’art que l’homme peut découvrir l’unique épreuve possible de la félicité, mais encore faudrait-il définir de quel art et de quelles valeurs il s’agit. Kierkegaard, qui a indiscutablement influencé Bergman, distinguerait deux stades vraiment incompatibles : « L’esthétique est ce par quoi l’homme est immédiatement ce qu’il est, l’éthique est ce par quoi il est ce qu’il devient.» [7]
Pour David, écrivain raté, qui ne croit plus à la gloire littéraire et qui a tenté de se suicider, l’art n’est pas ce qu’il devrait être absolument : un art de la vie ; mais un refuge, un alibi. Au début du film, David vit ses rêves et rêve sa vie ; il déroule en lui un monde plus ou moins fictif et ne constate que le vide et l’échec. Son monologue perpétuel le détourne des réalités, en particulier de la maladie incurable de sa fille : « À ma honte, j’éprouve une sorte de curiosité, en ce qui la concerne. Le désir de noter le développement de son mal, et d’enregistrer minutieusement sa graduelle détérioration, pour m’en servir dans mes écrits ». En conséquence, replié sur lui-même, David est, avant son nouveau choix, l’un de ces nombreux « morts-vivants » auxquels le monde de Bergman se réfère souvent : le Docteur Isak Borg et sa mère dans Les Fraises sauvages par exemple. David est donc fautif, à la fois comme artiste et comme homme. Son ignorance de la réalité se retourne alors contre son art uniquement constitué – déclare Martin – de faux semblants et de demi-mensonges. Certes, il reconnaît ses torts et les avoue : « On trace un cercle magique tout autour de soi et on laisse enfermé à l’extérieur tout ce qui ne fait pas partie des jeux secrets. À chaque fois que la vie brise le cercle, les jeux deviennent insignifiants et ridicules. Alors on trace de nouveaux cercles et l’on construit de nouveaux remparts ». Et l’on sait que, par la suite, David saura secouer la froideur de ses sentiments. Comment ?
Pour commencer, afin de débusquer son père de son univers clos, Minos a composé une saynète allégorique qui, comme dans Hamlet, veut faire éclater la vérité en plein jour. Une princesse de Castille, défunte, demande à un jeune poète, pour éprouver ses sentiments, de le rejoindre dans la mort, l’éternité. Celui-ci répond : « Ma vie est mon œuvre et elle est consacrée à l’amour que j’ai pour toi […] C’est un sacrifice bien léger, Princesse. Car, qu’est-ce que la vie pour un véritable artiste ? » Mais, malgré ses résolutions, le poète ne suit pas la princesse et ajoute qu’il fera peut-être de son aventure un poème, un tableau ou un opéra : cette dernière phrase discrédite ainsi directement David. La pièce de Minos nous offre d’ailleurs une matière pour d’autres réflexions. En effet, son titre, L’Art de l’apparition des fantômes ou Le Caveau des illusions, sert également d’introduction à l’irréalité des apparitions de Karin. Il suffit de comparer :
KARIN-PRINCESSE. – Je vais te quitter dans quelques instants. Lorsque l’horloge du cloître sonnera deux fois, tu entreras dans le caveau et éteindras les trois cierges qui y brûlent. Au même instant, la porte se refermera pour toujours et tu me suivras dans la mort. Ce qui arrivera ensuite doit rester secret et je jure que je serai toujours à ton côté dans l’éternité.
KARIN. – Je passe à travers le mur… Un jour, quelqu’un m’a appelée, qui était derrière le papier ; j’ai regardé dans la garde-robe, mais elle était vide. La voix a continué à m’appeler, je me suis collée contre le mur et celui-ci s’est ouvert comme une frondaison, et puis je me suis trouvée là-dedans !
On peut se demander, d’autre part, si Bergman n’a pas voulu juxtaposer, par le biais de cette saynète filmée, l’illusion et la réalité, le théâtre et le cinéma : « Pour moi, le cinéma, c’est avant tout du théâtre. Ce n’est pas exactement le même théâtre que celui des planches. Par certains côtés, je préfère celui des planches. On y dépend beaucoup moins des « impondérables de la mécanique ». Mais personne ne m’ôtera de l’idée que le cinéma, c’est tout de même un certain théâtre, aux règles plus souples, et plus rigides, - plus sinueuses, et plus astreignantes.» [8]
Nous ne sommes donc pas étonnés de voir qu’il intitule sa trilogie « films de chambre » se référant directement au Kammerspielhaus crée à Berlin, en 1906, par le metteur en scène Max Reinhardt, au théâtre de Strindberg plus précisément appelé : Théâtre de chambre (Kammerspiel) ou Théâtre intime (parce que les pièces étaient interprétées dans une salle et sur une scène réduites). Bergman s'inspire aussi du Kammerspiel fondé à Berlin, vers 1921, par le scénariste Carl Mayer et le metteur en scène Lupu-Pick. Il s’agissait là d’un nouveau genre cinématographique qui, en réaction contre l’expressionnisme, préconisait un retour à la réalité de la vie quotidienne.
Ainsi Bergman emprunte-t-il respectivement à Strindberg et à Lupu-Pick (Sylvester : La Nuit de la Saint-Sylvestre) un commun refus de la grandiloquence et des effets déclamatoires : « Nous évitons – déclarait Strindberg – toute espèce de clinquant, tous les effets calculés, les passages écrits en vue des applaudissements, les rôles brillants, les tirades pour vedettes.» [9] Et Bergman se débarrasse de la même façon des nombreux effets et artifices qui abondaient dans Skepp till Indialand (Bateau pour les Indes), ou Törst (La Soif) : retours en arrière démodés, procédés de langage avant-gardistes, bric-à-brac plus ou moins insolite, contre-jours trop expressionnistes.
Néanmoins, par opposition au Kammerspiel, le film de chambre bergmanien élimine les intrigues paroxystiques et ne recherche pas à compresser dans un lieu clos, dans un temps très bref, un nombre restreint de personnages, afin que la violence de la situation paraisse décuplée. La force dramatique est moins accusée, l’unité d’action moins rigoureuse que dans le Kammerspiel ; mais l’intensité de l’œuvre ne devant rien à la construction et au découpage, le rythme est, en conséquence, beaucoup plus sinueux, libre, ouvert.
D’autre part, Bergman ne cherche pas, par un retour fréquent aux mêmes détails, par l’utilisation d’objets lourds de significations et prenant le pas sur les acteurs, à nous préciser le message de l’œuvre ou à faire intervenir quelque « fatum ». Une porte s’ouvre au bruit d’un hélicoptère et l’on ne comprend pas le signe qu’y découvre Karin. Est-il possible de déterminer quelle signification Bergman attribue à l’escalier de la maison, à cet hélicoptère, à l’échelle qui descend dans un bateau éventré ? Nous sommes en effet plus près de la vie et de la formule de Strindberg : « Un motif puissant, significatif, mais avec mesure », que d’une nouvelle forme de symbolisme didactique et tragique ou d'un film à thèse, même si le symbolisme est certes apparent et évident dans la saynète filmée : « Ainsi tu accomplis ton œuvre d’art et tu couronnes ton amour, ainsi tu anoblis ta vie et tu montres aux humains incrédules ce dont un véritable artiste est capable. » Mais Bergman a sans doute voulu que cette pièce allégorique nous reconduise au cœur du film qui n’est pas symbolique dans son ensemble. Car, nous ne pouvons parler de héros, de figures allégoriques, d’artifices, de costumes, de visages grimés, de déguisements, de spectacle, de masques, de pantins et d’illusions que dans la pièce de Minos.
Cette saynète filmée nous détourne d’ailleurs de l’essentiel, comme le prouve ce propos de Bergman : « Trop de gens de théâtre oublient que notre travail au cinéma commence avec le visage humain. Nous pouvons certes nous laisser complètement absorber par l’esthétique du montage, nous pouvons assembler objets et êtres inanimés en un rythme éblouissant, nous pouvons faire des études d’après nature d’une beauté indescriptible, mais la possibilité de s’approcher du visage humain est sans aucun doute l’originalité première et la qualité distinctive du cinéma.» [10] Et lorsque les gros plans surgissent, la caméra peut les scruter en intensifiant les moindres frémissements de la peau. Aucune convulsion, aucun reniflement, pleur, ne nous sont alors épargnés. Bergman, par ses « gros plans », attise ainsi en nous, au delà des regards et des silences, un intérêt concentré : «Nous devrions réaliser que le meilleur moyen d’expression que l’acteur a à sa disposition est son regard. Le gros plan, objectivement composé, parfaitement dirigé et joué, est pour le metteur en scène le plus extraordinaire moyen d’investigation, en même temps que la preuve la plus flagrante de sa compétence ou de son incompétence. L’abondance ou l’absence des gros plans révèlent sans le moindre doute le caractère du metteur en scène et le degré de son intérêt pour autrui.»
Certes, aussi bien à cause de l’importance des dialogues qu’à cause de l’utilisation des quatre murs et des plans-séquences, il faut reconnaître que le film intitulé À travers le miroir n’est pas tout à fait du cinéma « pur », spécifique. Pourtant, Bergman parvient à recréer, par l’utilisation de plans rapprochés, une atmosphère plus intime que celle du Théâtre intime. Il donne aussi à l’expression de ses acteurs, par la simplicité extrême des moyens utilisés, une apparence plus naturelle et plus authentique que celle du Kammerspiel. Pour cela, il lui suffit d'intensifier les emprunts faits par le cinéma au théâtre. Les quatre murs se referment davantage, les dialogues se gonflent, puis ils font éclater leur volume… La prime impureté esthétique n’est donc pas sujette à caution puisque, grâce à elle, l’œuvre s’en trouve enrichie. De plus, À travers le miroir ne possède pas de structures véritablement théâtrales : le spectateur ne vit pas tout près des personnages ; de longs silences interrompent les dialogues ; des ellipses détruisent parfois, selon le gré de l’auteur, toute continuité en dédramatisant volontairement l’action ; l’espace s’étire dans tous les sens, s’éparpille et de nombreux montages parallèles nous transportent d’un point à un autre de l’île. Discontinues, sinueuses et disloquées, ces structures ne sont-elles pas celles d'une écriture vraiment cinématographique ?
Dans les films antérieurs de Bergman, on reprochait, à tort, de multiples oppositions : comique et tragique, réalisme quotidien et onirisme, romantisme et classicisme, expressionnisme et sécheresse, baroque et dépouillement. Or, si nous ne remarquons aucun changement subit de ton à l’intérieur de À travers le miroir, cette œuvre, qui nous plonge d’abord dans la morne atmosphère d’une île suédoise, évolue ensuite, progressivement, selon les réactions des personnages, du calme à l’intensité, faisant vaciller son allure initiale sans atteindre le paroxysme du Kammerspiel : les vitres tremblent, la porte s’ouvre, l’hélicoptère apparaît dans l’encadrement de la fenêtre, Karin se lève ; elle a peur, recule, se colle au mur, hurle, essaie de se dégager d’une emprise invisible, presse ses mains sur son ventre…
Le style épouse ainsi les soubresauts de l’action et la caméra suit les personnages dans leur évolution ; Bergman n’imposant jamais aux acteurs une respiration et un rythme préétablis : « Pour donner le plus de poids possible au jeu de l’acteur, les mouvements de caméra doivent être peu compliqués, libres de toute contrainte et parfaitement synchronisés avec l’action. La caméra doit n’être qu’un observateur impartial et n’a le droit de participer à l’action qu’en de rares occasions.»
Le style de l’auteur reste ainsi libre d'effectuer, ou non, ses emprunts à l’expressionnisme ou de rechercher un ton plutôt distant. Il est le plus souvent accordé aux sentiments des personnages qui l’entraînent dans le décor vaguement insolite qu’ils ont pris pour refuge : la cale sombre et pleine d’eau d’un navire échoué, un grenier faiblement éclairé. Le drame justifie ainsi le clair-obscur du bateau éventré ainsi que le contre-jour du grenier. Car l’art de Bergman n’est pas celui d’un visionnaire dès lors que les éclairages créent la cohérence de son œuvre surtout et d'abord soucieuse des réalités humaines.
À travers le miroir n’évoque certes pas le foisonnement baroque du Visage ni le bouillonnement lyrique des Fraises sauvages, mais la construction, sans flash-back allégorique, sans morceaux de bravoure ou d’anthologie, n’a pas la sécheresse d’une épure. Le dépouillement, approche du simple, refus du spectaculaire et de l’anecdotique, permet de retenir l’important sans basculer dans un ascétisme morbide. Bergman retrouve certes, parfois, la rigueur, l’austérité et la nudité de style de Au seuil de la vie, mais cette œuvre n’est pas une chronique, un film reportage ou un constat impartial. Le monde intime qui nous est suggéré a en effet autant d’importance que celui qui nous est montré, et À travers le miroir nous renvoie surtout vers quelques profondeurs inconscientes. Sans dévier le sens de ses recherches, Bergman, avec les tâtonnements d’un chercheur, filme en fait patiemment, approche les moindres gestes de ses personnages, s’embarrasse de quelques détails. Il sait que, derrière les gestes quotidiens et quelques états psychiques (l’étonnement, la solitude, la peur, la souffrance, l’angoisse), il y a quelques découvertes à entrevoir, à aimer, à suggérer.
Bergman, nous le répétons, veut que les spectateurs suivent ses films autant par l’émotion que par l’intellect, ce qui rend la critique de ses œuvres d’autant plus malaisée. Mais comment peut-il faire jaillir des émotions s’il refuse de multiples effets ? En réalité, il ne gomme que les artifices trop brillants, ceux qui distraient les spectateurs. Cocteau disait : « À me relire avec le recul, je n’ai honte que des ornements. Ils nous nuisent, car ils distraient de nous. Le public les aime, il s’en aveugle et néglige le reste. J’ai entendu Charlie Chaplin se plaindre d’avoir laissé dans son film The Gold Rush (La Ruée vers l’or) cette danse des petits pains dont chaque spectateur le félicite. Il n’y voyait qu’une tache qui tire l’œil. » [11] Bergman établit ainsi une très nette séparation entre le spectacle brillant (la pièce de Minos) et la méditation de son thème central (le reste du film). Le divertissement ne masque-t-il pas l’angoisse qui est certainement pour l’auteur, comme pour Kierkegaard, le sentiment d'une existence authentique ? À la place des ornements, il nous propose la valorisation d’une forme d’expression bien supérieure : il s’agit d’émouvoir l’homme en lui présentant des images pertinentes de souffrances et de joies communes, il s’agit de suggérer que nous sommes tous « embarqués » dans une vie que nous n’avons pas voulue et vers une agonie que nous ne voulons pas davantage.
Pour émouvoir, Bergman utilise surtout des effets hyperréalistes : les bruits. Car ceux-ci vont de l'objectif au subjectif. Objectifs, ils expriment le monde (bruits de la mer et du vent) ; subjectifs, ils décrivent des émotions et expriment le monde intérieur de Karin. Bien qu’ils soient surtout objectifs, au départ, ils deviennent subjectifs lorsque l’auteur les amplifie et les transforme en gros plans sonores. Seule Karin et nous-mêmes en percevons l’acuité, mais pour celle-ci ils prennent l’allure d’un message mystique : réveillée dans la nuit par des cris d’oiseau aux stridences démesurées, elle va au grenier pour écouter, à travers la paroi d’un mur, un interlocuteur invisible et muet pour le spectateur. Nous ne percevons alors que le souffle de sa respiration : « Oui, tu sais, c’est bizarre, mais depuis ma maladie j’ai une ouïe très fine. Ce sont peut-être les électrochocs, je ne sais pas. Les sons forts et aigus me rendent complètement folle » […] « C’est à cause de quelques oiseaux qui ont poussé des cris affreux quand le soleil s’est levé, ils m’ont réveillée et ensuite j’ai eu peur de me rendormir. » C’est sans doute cette acuité qui lui fait croire qu'elle entrevoit quelques mystères de l’au-delà.
La musique intervient également. Bergman s’inspire à ce sujet des mots d’August Falk qui nommait ainsi en 1907 le Théâtre intime : « Ce genre de théâtre transporte dans le drame l’idée de la musique de chambre.» [12] Mais le cinéaste cherche surtout à révéler, par la musique elle-même, une nouvelle forme d’intimisme. Car le monde intérieur des personnages nous est suggéré par une musique dont la fonction, comme chacun le sait, est d’exprimer l’inexprimable, de traduire l’insondable, de procurer aux images des ouvertures imprévisibles. C’est ainsi que la Suite n° 22 pour violoncelle de J.-S. Bach nous fait ressentir la douleur de Karin après la lecture du cahier de son père, le désespoir de Minos après l’inceste et lors du départ de sa sœur. Dans Tystnaden (Le Silence), d’autres sonorités de la même suite de Bach apportent au contraire quelques apaisements. Ester écrit : « Nous avons écouté Bach. Un instant de paix. Je n’avais pas du tout peur de mourir ». Et, bien qu’ils soient alors renvoyés dos à dos, acculés contre le mur de leur implacable solitude, la musique parvient un peu à rapprocher les êtres, à les unir, en accompagnant et en recouvrant leurs larmes et leurs inquiétudes. Dans Le Silence, il ne reste plus, en effet, pour communiquer, que la main et la musique…
On se demande, avant de conclure, si l’auteur n’aurait pas voulu donner au ton neutre de ses images des proportions plus inquiétantes. Distinguons-nous réellement les gris des blancs ou des noirs ? Les apparences ne sont-elles pas profondément insaisissables ? Les ciels ensoleillés ne deviennent-ils pas brusquement nuageux, sans transition ? Que les personnages soient entraînés dans un décor vacillant (le navire échoué), devant le mur grisâtre et terne de la maison ou qu'ils soient encadrés par un ciel profond et blanchâtre, qu’ils étouffent entre les quatre murs d’une chambre ou qu’ils s’agrippent à autrui, que leurs corps soient convulsés ou plus détendus, qu’ils sourient ou qu’ils pleurent, ne respirons-nous pas inlassablement la même atmosphère indéterminée ? Et cette atmosphère ne serait-elle pas celle, spécifiquement cinématographique, de l'œuvre d'un homme qui a indéfiniment cherché à approcher, sans parvenir à vraiment le scruter, le mystère le plus profond des hommes ? Sans doute. En tout cas, l'auteur rêve et espère : « Je ne puis m’empêcher de croire que je manie un instrument si raffiné qu’il nous serait possible d’éclairer avec lui l’âme humaine d’une lumière infiniment plus vive, de la dévoiler encore plus brutalement et d’annexer à notre connaissance de nouveaux domaines du réel. Peut-être découvririons-nous même une fissure qui nous permettrait de pénétrer dans le clair-obscur de la surréalité, de raconter d’une façon nouvelle et bouleversante.» [13]
1. Propos recueillis par Vilgot Sjöman, « Journal des Communiants », Cahiers du Cinéma, n° 168.
2. Cf. Jos Burvenich, « Le Silence : Dimensions chrétiennes ».
3. Cité par Marguerite Grimault, Kierkegaard par lui-même (éditions du Seuil, coll. « Microcosme-écrivains de toujours », 1962), pp. II, 64, 82.
4. Propos recueillis par Jean Béranger, «Bergman par lui-même», Cahiers du Cinéma, n° 85.
5. Pierre Marcabru, « À travers le miroir », Arts, 5 septembre 1962.
6. Cité par Marguerite Grimault, Kierkegaard par lui-même (éditions du Seuil, coll. « Microcosme-écrivains de toujours », 1962), pp. II, 64, 82.
7. Cité par Emmanuel Mounier, Introduction aux existentialismes, Gallimard, coll. « Idées », 1962, p.88.
8. Ingmar Bergman, L’Art du cinéma, propos recueillis par Pierre Lherminier (éditions Seghers, 1960), pp. 114 et 500.
9. Cité par Jean Béranger, Ingmar Bergman, Lyon, S.E.R.D.O.C., 1964, coll. « Premier plan », N° 34, p.76.
10. Ingmar Bergman, « Chacun de mes films est le dernier », Cahiers du Cinéma, n° 100.
11. Cocteau (Jean), La Difficulté d’être, Plon, coll. « Le monde en 10 /18 », p.15.
12. Cité par Jean Béranger, Ingmar Bergman, Lyon, S.E.R.D.O.C., 1964, coll. « Premier plan » n° 34, p.76.
13. Ingmar Bergman, L’Art du cinéma, propos recueillis par Pierre Lherminier (éditions Seghers, 1960), pp. 114 et 500.
Claude Stéphane PERRIN. Professeur de philosophie à la retraite, j'écris et je lis en méditant sur le problème de la non-violence, notamment à partir d'une idée non indifférente et non nihiliste du neutre .
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