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Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.

Nietzsche et l'amour, par C.S. PERRIN

Sortie du livre début septembre 2014

Sortie du livre début septembre 2014

   Pour Gadamer,[1] Nietzsche est son antipode. Je n'en dirai pas autant, car je ne vois pas pourquoi je devrais me situer à partir de Nietzsche ou d'un autre philosophe. Je me situe en fait dans une démarche naturaliste (entre le dogmatique Spinoza et les excès créatifs de Nietzsche). Par exemple, je pense que la Morale des Droits de l'homme, fondée en raison et en volonté, ne tient pas assez compte des passions humaines, et que l'amour que Nietzsche exprime vigoureusement pour la justice pourrait la compléter, notamment en faisant prévaloir un instinct purifié qui conduit fatalement chacun vers sa propre perfection. Dans cet esprit, Nietzsche prolongerait l'esprit des Lumières… C'est ainsi que le disciple de Dionysos ne nie pas l'homme ; il le complète pour le dépasser. Par la bouche de Zarathoustra, il dit qu'il voudrait que chaque homme puisse chercher à réaliser, sans doute de manières diverses, sa propre perfection : "Pour moi, tous les êtres doivent être divins." [2] L'enjeu est donc considérable ! En attendant, une Morale humaine est possible : elle est fondée par Nietzsche sur l'amour de la Nature qui crée l'innocence de son propre devenir, donc l'innocence de chaque enfant, puis l'amour de la justice qui devrait préserver cette innocence. En tout cas, son activité philosophique n'est pas forcément incompatible avec une pensée humaniste. Elle la dépasse certes par ses fondements religieux (polythéistes et grecs) ; mais elle ne l'ignore pas puisqu'elle aime aussi la "grande raison" complexe du corps [3] qui peut commander, d'une manière non anthropomorphique, le destin de tous les instincts en les hiérarchisant…Pourquoi faudrait-il nier ce possible dépassement de l'homme vers le divin, vers une plénitude sereine, dansante, festive et païenne ? En tout cas, le dogme abstrait de l'égalité de droit entre tous les hommes, que le philosophe critique, est légitimement remplacé par des appréciations qui se veulent équitablement hiérarchisées. Et lorsqu'il s'agit d'instaurer des distinctions entre des singularités plus ou moins remarquables, les comparaisons cessent pour rendre compte des distances qui rendent possible la "multitude univoque" [4] des instincts de chacun, d'une manière forte ou faible, saine ou malsaine. C'est ainsi que la grande raison du corps, celle qui détermine des niveaux différents de santé en chaque homme, permet de transmuter les valeurs négatives… Et Nietzsche n'est-il pas alors fondé à critiquer la croyance aux catégories fictives de la raison ?  Ces dernières ne sont en effet que des unités simulées, que des apparences d'unités qui ont été déduites par l'homme de son monde empirique. Du reste, la raison est inséparable des instincts, négatifs ou créateurs,[5] comme pour Socrate qui écoutait son démon intime (une sorte d'instinct divin) afin de rendre sa puissante raison très créatrice. Dès lors, faire confiance aux lumières de la raison n'exclut pas de tenir joyeusement compte des ombres, comme Nietzsche l'a bien reconnu : "Socrate est supérieur au fondateur du christianisme par sa joyeuse façon d’être sérieux et par cette sagesse pleine d’enjouement qui est le plus bel état d’âme de l’homme. De plus sa raison était supérieure." [6]

 

[1] Gadamer (Hans-Georg), Nietzsche l'antipode - Le Drame de Zarathoustra, Allia, 2007.

[2] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, traduction française par Henri Thomas, Gallimard, Livre de poche, 1963, n° 987 et n° 988, Le Chant du tombeau, p. 130.

[3] Nietzsche, Ibidem, Des contempteurs du corps, p. 44.

[4] Nietzsche, Ibidem.

[5] Nietzsche, La Naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque, idées nrf, n°196, 1969, p. 89.

[6] Nietzsche, Le Voyageur et son ombre Trad. Henri Albert, Paris, Médiations, Denoël Gonthier, 1979, n° 128, § 86.

 

 

 

Montage de Daniel Diebold

Montage de Daniel Diebold

 

 

   L'amour humanise ou divinise. Peut-on choisir ? Nietzsche, poussé par une mystérieuse fatalité, a aimé les dieux grecs de l'antiquité. Ainsi sa philosophie s'est-elle déployée en de multiples perspectives, y compris extrêmes, orientées, concentrées et renforcées par un amour incandescent et clair qui embrassait religieusement le don de la totalité du réel ! Dans cet esprit, la Nature pouvait être aimée dans son innocente puissance infinie, la vie être désirée en dépit des pires cruautés qui taraudent ses formes terrestres, et l'intense mélodie de son écriture s'étirer amoureusement au bord des abîmes les plus tragiques. En tout cas, lorsque l'amour est créatif, il se divinise en surmontant ou en transfigurant les haines qui l'ont parasité ; car il est le fruit de divers instincts entrelacés, même opposés, qui sont dominés, simplifiés, clarifiés, purifiés et spiritualisés par l'action d'un vouloir capable de se sacrifier avec joie pour devenir éternel.

 

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     Table des matières

 

 

    Nietzsche et l'amour

 

 Préface de Philippe Granarolo

 

1. Prologue (p. 13)

 

a) Distances et proximités.

b) Les origines grossières de l'interprétation.

c) L'acte mystérieux qui interprète un commencement en rendant joyeux.    

d) L'amour de la vérité à partir des mythes et des symboles.

e) Où est le fil d'Ariane ?

f) Images, concepts et véracité.

 

2. L'amour de la vérité (p. 33)

 

a) Les lumières de la philosophie et ses concepts méthodologiques.   

b) Une méthode généalogique.

c) Une méthode perspectiviste.    

d) Créer des métaphores.

e) Comment la philosophie peut-elle se transfigurer en art ?

f) Une méthode créatrice et transgressive.

g) L'instinct du plaisir et la recherche de la vérité.

h) Les fondements incertains et douloureux de la vérité.

i) Un amour de la vérité distant des certitudes utilitaires et simplifiées des sciences.

j) L'action provisoire de la raison dépassée par l'ardeur de l'amour.

k) Interpréter, transfigurer : la science maîtrisée par l'art musical.       

 

3. L'amour de la Nature. (p. 55)

 

a) Créer son propre monde.

b) La Nature et les mondes.  

c) La réalité inconnaissable de l'Être de la Nature.

d) Les forces inexplicables de l'amour de l'infini.

e) Les effets chaotiques de la volonté de puissance et l'image impossible de l'infini.

f) La grâce indicible de l'amour de l'infini.

 

4. L'amour de la vie et de la terre. (p. 65)

 

a) Des lueurs dans la nuit et le refus du nihilisme.

b) Le mépris de la bêtise et la peur des profondeurs.

c) Nécessité de l'erreur, du mensonge et de l'illusion ; ils servent la vie.

d) Les forces informes et inexplicables de l'amour. 

e) L'amour de l'imprévisible devenir.

f) Un amour créatif des choses proches et lointaines. 

g) Contempler en un suprême instant.

h) Un amour astral.

i) Un clair amour des cimes et des profondeurs.

 

5. L'amour du devenir de ses multiples moi. (p. 79)

 

a) L'amour de soi en de fiers chants solitaires.

b) Un moi qui transfigure maladie et agressivité.  

   -   L'obscurité effrayante des profondeurs de la maladie.

   -  L'enchevêtrement des symptômes et les oscillations de l'agressivité.

   -  La transfiguration des souffrances.

c) Comment devenir soi-même ?

d) L'amour de la gloire.

e) Les masques multiples et l'hypothèse de l'âme.

f) L'ombre de l'homme dans le monde.

g) Le voyageur et l'ombre de Zarathoustra qui prophétise le Surhomme.

 

6. De la cruauté à l'amour de la justice. (p. 99)

 

a) La cruauté des forts et des faibles.

b) Les illusions du bien et du mal.  

c) La cruauté de la morale et du droit.

d) De l’État au droit religieux (c'est-à-dire à une autre forme de cruauté).

e) Le mensonge du droit et de la justice idéale des hommes.

f) L’égoïsme, la méchanceté et la vengeance.

g) Le châtiment, le remords et la grâce.

h) Le destin et la liberté.

i) Vers l'équité.

 

7. L'amour de l'autre. (p. 123)

 

a) La pensée grecque a créé l'amour des surfaces surgies des profondeurs.

b) L'amour et le désir.

c) L'amour et la pitié.

d) Rire, être sérieux ou rêver.

    - La bêtise du rire : se moquer de tout.

    - L'amour du rire et du sérieux.

    - Le grand sérieux en un rire surhumain ou divin.

    - Un rêve d'amour de l'éternité.

e) L'amitié.

    - Qu'est-ce qu'un ami ?

    - L'ami et l'ennemi.

    - La haine plutôt que le mépris, la compassion ou la bonté.

    - Une brève amitié stellaire ouverte sur l'ombre du surhomme.

 

8. L'amour des symboles de la vérité. (p. 161)

 

a) L’aigle et le serpent de Zarathoustra.

      - L’animal le plus fier.

      - L’animal le plus rusé.

      - Autres figures symboliques.        

b) L'amour de la vérité-femme.

     - Vérités et apparences.

     - Complexités.

     - Innocentes cruautés.

     - Distances.

     - Dissimulations partielles.

     - Pudeur dans l'impudeur.

     - Le sentiment de la distance et l'amour de la vérité.

 

9. Amour, rêves et transgressions. (p. 195)

 

a) La folie d'un amour inconditionnel et illimité.    

b) La chute dans l'oubli.

c) L'oubli de soi et la vision silencieuse du retour éternel.

d) L'instant joyeux de l'éternité.

e) L'oubli pour Nietzsche, une origine sans origine qui vainc le nihilisme.

f) La force critique de l'oubli.

g) L'instant-zéro de l'Éternel retour et l'oubli.

h) La mémoire du corps et la nécessité de l'oubli pour aimer tout ce qui advient.    

i) Un amour tragique du destin.

j) Une vision métaphorique et symbolique de l'Éternel retour.

k) La dévorante folie de la transgression.

l) Un amour divin entre Ariane et Dionysos.    

 

10. Épilogue. (p. 215)

 

11. Bibliographie de Nietzsche (livres cités). (p.221)

 

12. Table des matières. (p.223)

 

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Cet ouvrage a repris, légèrement remanié, et largement complété les articles suivants déjà publiés :

 

La Métaphore, Analyse et réflexions sur le langage, 2. Philosophie et sciences humaines, Ellipses, éditions Marketing, 1986.

-  Zarathoustra entre ciel et terre, (Perpétuelles, n°4, 1986).

L'aigle et le serpent de Zarathoustra (Perpétuelles, n°5, 1986).

-  Droit et cruauté (Cercles autour de Nietzsche). Analyse et réflexions sur le droit, Ellipses, éditions Marketing, 1988.

 - Images et pouvoirs. Analyse et réflexions sur le pouvoir, volume 1, Ellipses, éditions Marketing, 1994. 

 

 

 

Nietzsche et l'amour, par C.S. PERRIN
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À propos
claude stéphane perrin

Claude Stéphane PERRIN. Professeur de philosophie à la retraite, j'écris et je lis en méditant sur le problème de la non-violence, notamment à partir d'une idée non indifférente et non nihiliste du neutre .
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