Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.
16 Mai 2022
1. Prologue
- Une philosophie du corps
"Un aigle planait dans les airs en larges cercles, et un serpent était suspendu à lui, non pareil à une proie,
mais comme un ami : car il se tenait enroulé autour de son cou." [1]
"Maintenant je suis léger, maintenant je vole, maintenant je me vois au-dessus de moi-même, maintenant
un dieu danse en moi " [2]
"Le somnambule qui se lève la nuit en dormant et qui va m’assassiner et puis l’ivrogne qui se lance dans un grand discours. Spinoza dira : « Oh ! Finalement, on ne sait pas ce que peut le corps ». Cela prépare singulièrement à un autre cri qui retentira longtemps après et qui sera comme la même chose en plus contracté lorsque Nietzsche lance : « L’étonnant c’est le corps. » C’est un cri, une réaction envers certains philosophes pour leur dire : écoutez, arrêtez avec l’âme, avec la conscience, etc. Vous ne savez même pas ce que c’est que le corps et vous venez nous parler de l’âme. Spinoza nous propose un "modèle" du corps, évidemment c’est d’une grande méchanceté pour les autres philosophes de l'époque qui n’ont pas cessé de parler de la conscience et de l’âme. Et dès lors, compte tenu des propos de Spinoza, ils le traitent de matérialiste alors que, lui aussi, il ne cesse pas de parler de l’âme mais d’une drôle de façon qui se comprend très bien." [3]
- Où est le fil d'Ariane ?
"Il n'y a jamais à l'origine que grossièreté informe, vide et laideur. En toute chose seuls les degrés supérieurs importent (…) et le chemin qui remonte aux origines mène partout à la barbarie." [4]
"l'existence n'est qu'une succession ininterrompue d'événements passés, une chose qui vit de se nier et de se détruire elle-même, de se contredire sans cesse." [5]
"On ne peut juger le Tout, ni le mesurer, ni le comparer, ni surtout le nier […] parce que rien n’existe en dehors de Tout… Et encore une fois, c’est un grand réconfort, en cela consiste l’innocence de tout ce qui est." [6]
"Et toutes choses ne sont-elles pas si étroitement enchevêtrées que cet instant entraîne toutes les choses de l'avenir et se détermine donc lui-même ?"[7]
"Celui qui connaît, celui qui crée, celui qui aime ne font qu'un." (Nietzsche [8])
la "rencontre fortuite d'impulsions contradictoires, temporairement réconciliées" ? [9]
"Il me semble important qu'on se débarrasse du Tout, de l'Unité, de je ne sais quelle force, de je ne sais quel absolu… Il faut émietter l'univers, perdre le respect du Tout."[10]
"Une intelligence qui verrait cause et effet comme une continuité, et non, à notre façon, comme un morcellement arbitraire, l'intelligence qui verrait le flot des événements, nierait l'idée de cause et d'effet et de toute conditionnalité." [11]
"Je ne puis comprendre qu’un être à la fois un et multiple, changeant et permanent, connaissant, sentant, voulant – cet être est pour moi le fait fondamental." [12]
"À une hauteur correcte, tout s'assemble au-dessus de l'un : les pensées du philosophe, les œuvres de l'artiste et les bonnes actions. - In einer rechten Höhe kommt alles zusammen und über eins – die Gedanken des Philosophen, die Werke des Künstlers und die guten Taten." " [13]
"Je vois un signe -, des lointains les plus éloignés- descend vers moi, lentement, une constellation étincelante..." [14]
"Il n'y a point d'être derrière l'acte, l'effet et le devenir ; l'acteur n'a été qu'ajouté à l'acte - l'acte est tout." [15]
"Les explications mystiques passent pour profondes ; le vrai est qu'elles ne sont même pas superficielles." [16]
"Le centre est partout, tortueux est le sentier de l’éternité." [17]
[1] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Prologue.
[2] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Lire et écrire.
[3] Deleuze, extrait résumé du cours de Vincennes de Gilles Deleuze.
[4] Nietzsche, La Naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque, op., cit, p. 28.
[5] Nietzsche, Seconde considération intempestive, op.cit., p. 77.
[6] Nietzsche, La Volonté de puissance, t. II, liv. III, § 458, p. 143.
[7] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De la vision et de l'énigme, 2.
[8] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, II. Notes et aphorismes, § 172. ("Der Erkennende der Schaffende der Liebende sind Eins.")
[9] Klossowski (Pierre), Nietzsche et le cercle vicieux, Mercure de France, 1978, p. 54.
[10] Nietzsche, La Volonté de puissance, t. II, liv. III, § 489, p. 153.
[11] Nietzsche, Le Gai savoir, § 112.
[12] Nietzsche, La Volonté de puissance, t. I, liv. II, § 172, p. 253.
[13] Nietzsche, Le Livre du philosophe, § 16.
[14] Nietzsche, Dithyrambes de Dionysos, 1888, Gloire et éternité, 3.
[15] Nietzsche, La Généalogie de la morale, I. § 13.
[16] Nietzsche, Le Gai savoir, § 126.
[17] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le convalescent.
2. L'amour de la vérité
- Images, concepts
"Tout mot devient immédiatement concept par le fait qu'il ne doit pas servir justement pour l'expérience originale, unique, absolument individualisée, à laquelle il doit sa naissance… " [1]
"Cette pensée en images n'est pas a priori de nature strictement logique, mais toutefois plus ou moins logique. Le philosophe s'efforce alors de poser, à la place de la pensée en images, une pensée par concept." [2]
chaque concept, chaque "os octogonal comme un dé"[3] ou chaque ensemble de concepts qui possède "la rigide régularité d'un columbarium romain." [4]
"La vérité se prouve autrement que la véracité, et la seconde n'est absolument pas un argument en faveur de la première ! " [5]
"Celui qui se sait profond s'efforce d'être clair." [6]
"Le monde nous paraît logique parce que nous avons commencé par le rendre logique." [7]
"La logique comme unique maîtresse conduit au mensonge : car elle n'est pas la seule maîtresse. L'autre sentiment de vérité provient de l'amour, preuve de la force." [8]
- Une méthode généalogique.
"Deux instincts ennemis, qui tirent dans des sens opposés, semblent y être forcés de marcher sous le même joug ; l'instinct qui tend à la connaissance est contraint sans cesse à abandonner le sol où l'homme a coutume de vivre et à se lancer dans l'incertain, et l'instinct qui veut la vie se voit forcé de chercher sans cesse à tâtons un nouveau lieu où s'établir." [9]
- Une méthode perspectiviste.
"On dit : le monde n'est que pensée, ou volonté, ou guerre, ou amour, ou haine (…) séparément, tout cela est faux, additionné, c'est vrai." [10]
" Plus nous avons d’yeux, d’yeux différents pour cette chose, et plus sera complète notre notion de cette chose, notre objectivité."[11]
"Eh quoi ! Le but suprême de la science serait d'apporter à l'homme le plus de plaisir et le moins de déplaisir possible ? Mais comment y parviendrait-elle, si le plaisir et le déplaisir sont si intimement unis que celui qui veut goûter au maximum de l'un est forcé de tâter au maximum de l'autre, si celui qui veut parvenir à des félicités terrestres doit se préparer aussi à de mortelles angoisses ? " [12]
"Car la mer veut être baisée et aspirée par le soleil altéré ; elle veut devenir air et hauteur et sentier de lumière, et lumière elle-même ! En vérité, pareil au soleil, j’aime la vie et toutes les mers profondes. Et ceci est pour moi la connaissance : tout ce qui est profond doit monter à ma hauteur ! " [13]
- Une méthode créatrice et transgressive.
"Une pensée vient quand elle veut, et non quand je veux."[14]
"Nous éternisons ce qui ne peut plus vivre ni voler longtemps, rien que des choses molles et fatiguées ! " [15]
"Vouloir le vrai – c'est s'avouer impuissant à le créer". [16]
"Votre meilleur amour n'est qu'une métaphore exaltée et une ardeur douloureuse. Il est un flambeau qui doit éclairer devant vous les chemins d'en haut." [17]
"On n’a pas le droit de demander : qui donc est-ce qui interprète ? C’est l’interprétation elle-même, forme de la volonté de puissance, qui existe (non comme un être mais comme un processus, un devenir), en tant qu'affect (als ein Affekt)." [18]
- L'amour de la vérité à partir des mythes et des symboles.
"Dieu est une conjecture : mais je veux que votre conjecture soit limitée à ce qui est concevable. Sauriez-vous concevoir un Dieu ?" [19]
"Le monde est profond, - Plus profond que n'a pensé le jour," [20]
"Les noms et les sens n'ont-ils pas été donnés aux choses, pour que l'homme s'en réconforte ? C'est une douce folie que le langage : en parlant l'homme danse sur toutes les choses." [21]
"Parler par images, danses, sons et silences : car pourquoi y aurait-il un monde, si tout monde ne devenait signe et image !" [22]
"On ne doit comprendre le mythe tragique que comme une représentation symbolique de la sagesse dionysienne à l’aide de moyens artistiques apolliniens." [23]
"Ce que nous portons sur le fleuve du devenir, c'est une déesse dans notre idée." [24]
"Mais que votre volonté du vrai consiste à tout transformer en images concevables, visibles et sensibles pour l’homme ! Vous devez pousser votre pensée jusqu’à la limite de vos sens !" [25]
[1] Nietzsche, Le Livre du philosophe, p. 179.
[2] Nietzsche, Ibidem, § 116.
[3] Nietzsche , Le Livre du philosophe, op. cit, p.181
[4] Nietzsche, Ibidem, III, op.cit., p. 185.
[5] Nietzsche, Aurore, § 73.
[6] Nietzsche, Le Gai Savoir, § 173.
[7] Nietzsche, La Volonté de puissance, t. I, liv. I, § 135, p. 77.
[8] Nietzsche, Le Livre du philosophe, § 72.
[9] Nietzsche, La Naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque, op.cit., p. 23.
[10] Nietzsche, La Généalogie de la morale, III, 12.
[11] Nietzsche, La Généalogie de la morale, Ibidem.
[12] Nietzsche, Le Gai savoir, §12.
[13] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De l’immaculée connaissance.
[14] Nietzsche, Par delà le bien et le mal, § 17.
[15] Nietzsche, Par delà le bien et le mal, p. 319.
[16] Nietzsche, La Volonté de puissance, t. II, Introduction, § 6 A.
[17] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De l'enfant et du mariage, p. 85.
[18] Nietzsche, Ibidem, t. I, liv. I, § 204, p. 100.
[19] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Sur les îles bienheureuses.
[20] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le chant d'ivresse.
[21] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le convalescent, 2.
[22] Nietzsche, Poèmes, L'enchanteur, p. 129.
[23] Nietzsche, La Naissance de la Tragédie, 22, p. 144.
[24] Nietzsche, Le Gai savoir, § 107.
[25] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Sur les îles bienheureuses.
[26] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Des vieilles et des nouvelles tables.
[27] Nietzsche, Le Livre du philosophe, op.cit., p. 179.
[28] Nietzsche, Le Livre du philosophe, op.cit., p. 181.
[29] Nietzsche, Le Livre du philosophe, Aubier, p. 183.
[30] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Les Sept sceaux, 7.
[31] Nietzsche, Le Gai savoir, Préface (III), idées nrf, 1950, p. 12 : Er kann eben nicht anders als seinen Zustand jedes Mal in die geistigste Form und Ferneumsusetzen, - diese Kunst der Transfiguration ist eben Philosophie.
[32] Nietzsche, La Volonté de puissance, t. II. 4, § 450.
[33] Nietzsche, Le Gai savoir, § 54.
[34] Nietzsche, Le Gai savoir, Préface (IV) : "Diese Griechen waren oberflächlich - aus Tiefe !", p. 15.
[35] Nietzsche, La Naissance de la tragédie, op.cit., p. 32.
[36] Nietzsche, Le Gai savoir, § 256.
[37] Nietzsche, Le Gai savoir, § 354.
[38] Nietzsche, La Naissance de la tragédie, op.cit., p. 27.
[39] Nietzsche, Ibidem, p. 100.
[40] Nietzsche, Ecce Homo, p. 47.
[41] Nietzsche, La vision dionysiaque du monde, p. 52.
[42] Nietzsche, Ibidem, p. 175.
[43] Nietzsche, Ibidem, § 184, p. 213 et § 93.
[44] Nietzsche, Par delà le bien et le mal, Des préjugés des philosophes, 1. p. 23.
[45] Nietzsche, Le Livre du philosophe, § 72
[46] Nietzsche, Le Livre du philosophe, § 46.
[47] Nietzsche, Le Gai savoir, § 82.
[48] Nietzsche, La Naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque, op.cit., p. 15.
[49] Nietzsche, Seconde considération intempestive, op.cit., p. 107.
[50] Nietzsche, La Naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque, op.cit., p. 15.
[51] Nietzsche, La Naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque, op.cit., p. 15.
- Créer des métaphores.
"La volonté délivre : car vouloir c’est créer, c’est là ce que j’enseigne. Et ce n’est que pour créer que vous devez apprendre ! " [1]
"nous ne possédons rien d’autre que des métaphores des choses (qui) ne correspondent absolument pas aux entités originelles." [2]
"Qu’est-ce donc que la vérité ? Une armée mobile de métaphores, de métonymies, d’anthropomorphismes, bref une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et rhétoriquement amplifiées, transposées, enjolivées, et qui, après un long usage, semblent à un peuple stables, canoniques et obligatoires." [3]
: "Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont, des métaphores qui ont été usées et qui ont perdu leur empreinte et qui entrent dès lors en considération non plus comme des pièces de monnaie, mais comme métal." [4]
"Voici, il n’y a pas d’en haut, il n’y a pas d’en bas ! Jette-toi de côté et d’autre, en avant, en arrière, toi qui es léger ! Chante ! Ne parle plus ! Toutes les paroles ne sont-elles pas faites pour ceux qui sont lourds ? Toutes les paroles ne mentent-elles pas à celui qui est léger ? Chante ! Ne parle plus ! "[5]
- Comment la philosophie peut-elle se transfigurer en art ?
"Il (le philosophe) ne peut pas faire autrement à chaque fois que de transposer son état dans la forme et la distance la plus intellectuelle ; cet art de transfigurer c'est précisément la philosophie." [6]
"Se rendre maître du chaos intérieur, forcer son propre chaos à prendre forme ; agir de façon logique, simple, catégorique, mathématique, se faire loi, voilà la grande ambition."[7]
"L'apparence est pour moi la vie et l'action même, la vie qui se moque assez de soi pour me faire sentir qu'il n'y a là qu'apparence, feu-follet, danse des elfes et rien de plus : qu'au milieu de tant de rêveurs moi aussi, qui connais, je danse le même pas que les autres ; que le connaisseur est un moyen dont elle se sert pour prolonger la danse terrestre, qu'il fait partie, du même coup, des chorèges de l'existence, et que le sublime esprit de suite, la sublime coordination de toutes les connaissances est peut-être le moyen suprême qui permettra de maintenir la généralité de la rêverie, l'entente de tous ces rêveurs et, par là, la durée du rêve." [8]
"Ah ! Ces Grecs comme ils savaient vivre. Cela demande la résolution de rester bravement à la surface, de s’en tenir à la draperie, à l’épiderme, d’adorer l’apparence et de croire à la forme, aux sons, aux mots, à tout l’Olympe de l’apparence. Les Grecs étaient superficiels… par profondeur." [9]
œuvre d'art, c'est-à-dire "l'apparence de l'apparence." [10]
"Tous les hommes des profondeurs mettent leur félicité à pouvoir ressembler aux poissons volants qui se jouent au sommet de la crête des vagues ; ils estiment que le meilleur des choses est leur surface… " [11]
"Le monde dont nous pouvons devenir conscients n'est qu'un monde de surfaces et de signes, un monde généralisé, vulgarisé ; qu'en conséquence tout ce qui devient conscient devient par là même superficiel, mince, relativement bête, devient une chose générale, un signe, un chiffre du troupeau…" [12]
"Ici, (chez les Olympiens) rien ne rappelle l’ascétisme, l’immatérialité ou le devoir : c’est une vie exubérante, triomphante, dans laquelle tout, le bien comme le mal, est également divinisé. Et devant ce fantastique débordement de vitalité, l’observateur demeure interdit et se demande à quel philtre enchanté ces hommes follement joyeux ont pu puiser cette vivifiante ivresse..." [13]
- L'instinct du plaisir et la recherche de la vérité.
"C'est la vie, la vie seule, cette puissance obscure qui pousse et qui est insatiable à se désirer elle-même." [14]
Ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou… Mais il faut être profond, il faut être abîme, il faut être philosophe pour sentir ainsi… Nous avons tous peur de la vérité…"[15]
"Réconciliation avec la vérité, car elle est énigmatique ! Renoncement à la résolution de l'énigme, car nous ne sommes pas des dieux ! " [16]
"Personne n'aura de doutes, la vie est la puissance supérieure et dominatrice, car la connaissance, en détruisant la vie, se serait en même temps détruite elle-même."[17]
"Tant que l'on cherche la vérité dans le monde, on se tient sous la domination de l'instinct : mais celui-ci veut le plaisir et non la vérité, il veut la croyance à la vérité, c'est-à-dire les effets de plaisir de cette croyance." [18]
"Qu'est-ce qui en nous aspire à la vérité ? (…) En admettant que nous voulions le vrai, pourquoi pas plutôt le non-vrai ? Ou l'incertitude ? Voire l'ignorance ?" [19]
"L'instinct universel (de l'homme) le contraint à une pensée médiocre, l'immense pathos de la vérité, produit par la largeur de son point de vue, le contraint à la communication et celle-ci à son tour à la logique. D'un côté se produit une métaphysique optimiste de la logique, intoxiquant et falsifiant progressivement tout. La logique comme unique maîtresse conduit au mensonge : car elle n'est pas la seule maîtresse. L'autre sentiment de vérité provient de l'amour, preuve de la force. L'expression de la vérité béatifique par amour : est en relation avec des connaissances particulières à l'individu, qu'il ne doit pas communiquer, mais à quoi l'oblige la surabondance du bonheur." [20]
- La dimension culturelle."La civilisation d'un peuple se manifeste dans l'unification dominante des instincts de ce peuple : la philosophie domine l'instinct de la connaissance, l'art domine l'instinct des formes et l'extase, l'Agapê domine l'Éros… " [21]
"Les Grecs, dans toutes leurs pensées, poussent la logique et la simplicité à l'extrême ; ils ne s'en sont jamais lassés, du moins pendant tout le temps de leur meilleure époque…" [22]
"Les Grecs sont, comme le génie, simples, simplex (…) sans compter qu'à notre surprise, ils sont aussi profonds que simples." [23]
"La civilisation d'un peuple (…) a une fois été définie, avec raison me semble-t-il, comme l'unité du style artistique dans toutes les manifestations vitales d'un peuple." [24]
"Ils sont naïfs ; c'est un mot qui résume la simplicité et la profondeur". [25]
"Le monde a beau être sombre, si l'on y introduit un fragment de vie hellénique, il s'illumine aussitôt…" [26]
[1] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Des vieilles et des nouvelles tables.
[2] Nietzsche, Le Livre du philosophe, op.cit., p. 179.
[3] Nietzsche, Le Livre du philosophe, op.cit., p. 181.
[4] Nietzsche, Le Livre du philosophe, Aubier, p. 183.
[5] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Les Sept sceaux, 7.
[6] Nietzsche, Le Gai savoir, Préface (III), idées nrf, 1950, p. 12 : Er kann eben nicht anders als seinen Zustand jedes Mal in die geistigste Form und Ferneumsusetzen, - diese Kunst der Transfiguration ist eben Philosophie.
[7] Nietzsche, La Volonté de puissance, t. II. 4, § 450.
[8] Nietzsche, Le Gai savoir, § 54.
[9] Nietzsche, Le Gai savoir, Préface (IV) : "Diese Griechen waren oberflächlich - aus Tiefe !", p. 15.
[10] Nietzsche, La Naissance de la tragédie, op.cit., p. 32.
[11] Nietzsche, Le Gai savoir, § 256.
[12] Nietzsche, Le Gai savoir, § 354.
[13] Nietzsche, La Naissance de la tragédie, op.cit., p. 27.
[14] Nietzsche, Ibidem, p. 100.
[15] Nietzsche, Ecce Homo, p. 47.
[16] Nietzsche, La vision dionysiaque du monde, p. 52.
[17] Nietzsche, Ibidem, p. 175.
[18] Nietzsche, Ibidem, § 184, p. 213 et § 93.
[19] Nietzsche, Par delà le bien et le mal, Des préjugés des philosophes, 1. p. 23.
[20] Nietzsche, Le Livre du philosophe, § 72
[21] Nietzsche, Le Livre du philosophe, § 46.
[22] Nietzsche, Le Gai savoir, § 82.
[23] Nietzsche, La Naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque, op.cit., p. 15.
[24] Nietzsche, Seconde considération intempestive, op.cit., p. 107.
[25] Nietzsche, La Naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque, op.cit., p. 15.
[26] Nietzsche, La Naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque, op.cit., p. 15.
3. L'amour de la Nature, de la vie et de la terre
"Nous aimons la nature d'autant plus ardemment qu'elle fonctionne moins humainement et que nous adorons l'art si l'artiste fuit l'homme, le raille ou se moque de soi…" [1]
- Créer son propre monde.
"les coups de dé de l'avenir et du hasard" [2]
"créer encore mille soleils comme celui-ci !" [3]
"Et ce que vous avez appelé monde, il faut que vous commenciez par le créer : votre raison, votre imagination, votre volonté, votre amour doivent devenir ce monde ! Et, en vérité, ce sera pour votre félicité, à vous qui cherchez la connaissance ! " [4]
- Des lueurs dans la nuit et le refus du nihilisme.
"c’est par sa propre souffrance que la vie augmente son propre savoir."[5]
- Nécessité de l'erreur, du mensonge et de l'illusion ; ils servent la vie.
"La vérité dernière qui est celle du flux éternel de toute chose ne supporte pas de nous être incorporée; nos organes (qui servent la vie) sont faits en vue de l’erreur".[6]
"Certain croit mentir et constate qu'alors seulement il touche à la vérité ! " [7]
"Qu'un jugement soit faux, ce n'est pas, à notre avis, une objection contre ce jugement ; voilà peut-être l'une des affirmations les plus surprenantes de notre langage nouveau. Le tout est de savoir dans quelle mesure ce jugement est propre à promouvoir la vie, à l'entretenir, à conserver l'espèce, voire à l'améliorer." [8]
"Nous ne savons toujours pas encore d'où vient l'instinct de vérité… Nous avons entendu parler de l'obligation de mentir selon une convention ferme, de mentir grégairement dans un style contraignant pour tous. L'homme oublie assurément qu'il en est ainsi en ce qui le concerne ; il ment donc inconsciemment de la manière désignée et selon des coutumes centenaires – et, précisément grâce à cette inconscience et à cet oubli, il parvient au sentiment de la vérité." [9]
- Rêver.
"Ou on ne rêve pas, ou, si l'on rêve, c'est d'une façon intéressante. Il faut apprendre à être éveillé de même façon : ou pas du tout ou d'une façon intéressante." [10]
"De même que des deux moitiés de la vie, la veille et le rêve, la première nous semble à coup sûr infiniment privilégiée, plus importante, plus haute, plus digne d’être vécue, voire seule vécue, j'aimerais, sans crainte du paradoxe, renverser cette hiérarchie et revendiquer la première place pour ce fonds mystérieux de notre nature, dont nous ne sommes que l’apparence." [11]
"C’est dans le rêve que, suivant l’expression de Lucrèce, les splendides images des dieux se manifestèrent pour la première fois à l’âme des hommes, c’est dans le rêve que le grand sculpteur perçut les proportions divines de créatures surhumaines. (…) Ami, l’ouvrage véritable du poète est de noter et de traduire ses rêves. Croyez-moi, l’illusion la plus sûre de l’homme, s’épanouit pour lui dans le rêve : Tout l’art des vers et du poète n’est que l’expression de la vérité du rêve." [12]
"Alors le rêve nous apparaîtra comme l’apparence de l’apparence et donc comme une satisfaction encore plus haute de l'universelle aspiration à l’apparence. C’est pour cette même raison que, du plus profond de la nature, s’élève cette joie indescriptible en face de l’artiste naïf et de l’œuvre d’art naïve qui, de même n’est qu’une « apparence de l’apparence»." [13]
- Un clair amour des cimes et des profondeurs.
"L'amour et la cruauté ne sont pas des contraires, on les trouve toujours côte à côte dans les natures les plus solides et les meilleurs." [14]
"Le moment est là en un clin d'œil, en un clin d'œil il disparaît. Avant c'est le néant, après c'est le néant, mais le moment revient pour troubler le repos du moment à venir." [15]
"Où il y a de la force, le nombre finit par devenir maître, car il a le plus de force." [16]
[1] Nietzsche, Le Gai savoir, § 379.
[2] Nietzsche, Seconde considération intempestive, op.cit., p. 91.
[3] Nietzsche, Le Gai savoir,, § 289.
[4] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Sur les Îles bienheureuses.
[5] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Des sages illustres
[6] Nietzsche, La Volonté de puissance, op.cit, II, § 178.
[7] Nietzsche, Poèmes, L'enchanteur, p. 126.
[8] Nietzsche, Par delà le bien et le mal, § 4, p. 26.
[9] Nietzsche, Le Livre du philosophe, op. cit. p.175 et 183.
[10] Nietzsche, Le Gai savoir, § 232.
[11] Nietzsche, La Naissance de la tragédie, 4, p. 31.
[12] Nietzsche, La Naissance de la tragédie, 1, p. 18.
[13] Nietzsche, La Naissance de la tragédie, 4, p. 32.
[14] Nietzsche, La Volonté de puissance, t. I, liv. II, § 423, p. 327.
[15] Nietzsche, Poèmes, La sorcière, p. 76.
[16] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Des trois maux.
4. L'amour du devenir de ses multiples moi
- L'âme en de fiers chants solitaires.
"Mon âme elle-même est cette flamme : - insatiable, vers de nouveaux lointains, - sa tranquille ardeur s'élève plus haut." [1]
"À chaque âme appartient un autre monde, pour chaque âme toute autre âme est un arrière-monde." [2]
"La solitude - ne plante rien : elle fait mûrir… - Encore te faut-il en plus l'amitié du soleil."[3]
- Un moi qui transfigure maladie et agressivité.
"Un philosophe qui a passé et qui repasse constamment par de nombreux états de santé passe par autant de philosophies…" [4]
" Mon humanité est une victoire constante sur moi-même. - Mais la solitude m'est nécessaire, j'ai besoin de guérir, de revenir à moi, de respirer le grand air léger..." [5]
"Croyez-moi ! Le secret pour récolter la plus grande fécondité, la plus grande jouissance de l'existence, consiste à vivre dangereusement." [6]
- Comment devenir soi-même ?
"J'ai peu à peu découvert que toute grande philosophie jusqu'à ce jour a été la confession de son auteur, et (qu'il l'ait ou non voulu ou remarqué) constitue ses Mémoires." [7]
"Je n'ai aucun souvenir d'effort, on ne trouverait pas dans ma vie une seule trace de lutte, je suis le contraire d'une nature héroïque. Mon expérience ignore complètement ce que c'est que «vouloir » quelque chose, y «travailler ambitieusement », viser un «but » ou la réalisation d'un désir. En ce moment même mon avenir - un avenir immense - s'étend à mes yeux comme une mer d'huile : nul désir ne ride ses eaux. Je ne veux pas qu'une seule chose devienne autrement qu'elle n'est ; je ne veux pas changer moi-même... Et j'ai toujours vécu ainsi. Sans désir."[8]
"Quel est en moi cet inapaisé, quel est en moi cet inapaisable qui demande à élever la voix ? Un désir d'amour est en moi qui parle le langage de l'amour. Je suis lumière : ah, que ne suis-je nuit ! Mais c'est ma solitude, qu'être de lumière encerclé (…) Ah ! Que ne suis-je ombre et ténèbres ! Comme je téterais le sein de la lumière ! (…) Il est nuit : comme une source mon désir éclate en moi, - mon désir demande la parole." [9]
"Pour moi- comment y aurait-il quelque chose en dehors de moi ? Il n'y a pas de non-moi ! " [10]
volonté "d'embrasser tout ce qu'il y a de forces et de faiblesses dans notre nature." [11]
"S'accepter soi-même comme un fatum, ne pas se vouloir différent - en de telles circonstances, c'est la raison supérieure." [12]
"Quant à nous autres, nous voulons devenir ceux que nous sommes- les hommes nouveaux, les hommes d'une seule foi, les incomparables, ceux qui se donnent leurs lois à eux-mêmes, ceux qui se créent eux-mêmes." [13]
"Que l'esprit le plus profond doive être aussi le plus frivole, c'est presque la formule de ma philosophie."[14] Frivole renvoie alors à bouffon de l’éternité, à satyre, à pitre… "Je ne veux pas être un saint, plutôt encore un pitre… Peut-être suis-je un pitre." [15] Ailleurs Nietzsche écrit : "Je fais tant de clowneries et j'ai tant d'idées bouffonnes qui me traversent la tête que parfois je ricane, je ne trouve pas d'autre mot, pendant une demi-heure en pleine rue."[16]
« Il te faut redevenir enfant et sans honte." [17]
- Rire de soi.
"Pour rire de soi comme il faudrait, comme le ferait la vérité totale, les meilleurs n'ont pas eu jusqu'ici assez de passion pour le vrai, les plus doués assez de génie. Peut-être y a-t-il encore un avenir pour le rire ! Ce sera lorsque la maxime : «l'espèce est tout, l'individu n'est rien» aura pénétré l'humanité jusqu'aux moelles et que chacun aura libre accès à cette suprême libération, à cette suprême irresponsabilité. Peut-être alors le rire se sera-t-il allié à la sagesse, peut-être y aura-t-il alors un« gai savoir».[18]
"Apprenez à rire de vous-mêmes, comme il faut rire ! " [19]
"De sorte que certains riaient et que d'autres pleuraient." [20]
"Il faut de temps en temps nous reposer de nous-mêmes, en nous regardant de haut, d’une distance artistique, rire de nous [et sur nous] ou pleurer sur nous." [21]
"Apprenez donc à rire par-dessus vos têtes ! Élevez vos cœurs, bons danseurs, haut, plus haut ! Et n'oubliez pas non plus le bon rire ! Cette couronne du rieur, cette couronne de roses, à vous, mes frères, je jette cette couronne ! J’ai canonisé le rire ; hommes supérieurs, apprenez donc à rire ! " [22]
Mais que signifie pour Nietzsche un bon rire et faut-il vraiment canoniser le rire ? S'agit-il d'un rire joyeux qui "voltige comme une nuée colorée" ? [23] "J'irais jusqu'à risquer un classement des philosophes suivant le rang de leur rire." [24]
Dès lors, sachant que tout classement requiert de poser un modèle afin de juger, cette valeur supérieure, cette cime des reliefs, ne peut être instaurée que par la transfiguration des misères humaines dans la splendeur d'un rire surhumain, d'un "rire d'or" [25]ou divin, qui se moque souverainement de toutes les bassesses des hommes par son sublime dédain: "Les dieux sont espiègles : il semble que même lors de la célébration des rites sacrés ils ne puissent s'empêcher de rire." [26]
- Le voyageur et l'ombre de Zarathoustra qui prophétise le Surhomme.
"Tu t'enfonces éternellement en toi-même, - T'envoles éternellement hors de toi - - Tu es le vertige de toutes les hauteurs, - La lumière de tous les abîmes…" [27]
"Tu sauras que j'aime l'ombre comme j'aime la lumière. Pour qu'il y ait beauté du visage, clarté de la parole et fermeté du caractère, l'ombre est nécessaire autant que la lumière. Ce ne sont pas des adversaires : elles se tiennent plutôt amicalement par la main, et quand la lumière disparaît, l'ombre s'échappe à sa suite." [28] "pressentiment du Surhomme." [29]
"Une ombre m'a visité - la chose la plus silencieuse, la plus légère qui soit, un jour, m'a visité ! La beauté du Surhomme m'a visité, sous la forme d'une ombre : que m'importent encore - les dieux ?" [30]
[1] Nietzsche, Dithyrambes de Dionysos, op.cit., Le signe du feu. 1.
[2] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Convalescent, 2.
[3] Nietzsche, Poèmes, Le silence d'airain, p. 180.
[4] Nietzsche, Le Gai savoir, Préface (III), p. 1
[5] Nietzsche, Ecce Homo, 8, p. 32.
[6] Nietzsche, Le Gai savoir, § 283.
[7] Nietzsche, Par delà le bien et le mal, § 6.
[8] Nietzsche, Ecce Homo, Pourquoi je suis si avisé, 9. p. 57.
[9] Nietzsche, Ecce Homo, 7, p. 119 et dans Ainsi parlait Zarathoustra, Le chant de la nuit, p. 123.
[10] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Convalescent, 2.
[11] Nietzsche, Le Gai savoir, § 290.
[12] Nietzsche, Ecce Homo, Pourquoi je suis si sage, § 6, p. 29, et Le Voyageur et son ombre, § 61.
[13] Nietzsche, Le Gai savoir, § 338.
[14] Nietzsche, Lettre à Avenarius, citée par E.F. Podach, L'Effondrement de Nietzsche, Gallimard, 1931, p.106.
[15] Nietzsche, Ecce Homo, p. 142.
[16] Nietzsche, Lettre à Peter Gast du 26. 2. 1888.
[17] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra,, L'heure la plus silencieuse.
[18] Nietzsche, Ecce Homo, § 1.
[19] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, IV, 15, De l'homme supérieur.
[20] Nietzsche, Poèmes, La Chanson à boire, p. 152.
[21] Nietzsche, Le Gai savoir, § 107, p. 151.
[22] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, IV, De l'homme supérieur, 20, p. 338.
[23] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Des grands événements.
[24] Nietzsche, Par delà le bien et le mal -fin.
[25] Nietzsche, Par delà le bien et le mal, § 294.
[26] Nietzsche, Par delà le bien et le mal. § 294.
[27] Nietzsche, Poèmes, À Hafiz, p. 99.
[28] Nietzsche, Le Voyageur et son ombre, p.6.
[29] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De l'amour du prochain.
[30] Nietzsche, Ecce homo, p. 123.
5. De la cruauté à l'amour de la justice
- La pitié.
"La pitié ne s'appelle vertu que dans le monde des décadents. Je reproche aux compatissants d'oublier trop facilement la pudeur, le respect, le tact et les distances, à la pitié de sentir trop vite la populace et de ressembler à s'y tromper aux mauvaises manières ; je dis que les mains compatissantes peuvent parfois avoir une action destructrice sur une grande destinée, quand elles viennent farfouiller dans les blessures d'une solitude et le privilège d'une grande faute. Vaincre la pitié c'est, à mon avis, une vertu aristocratique." [1]
- La cruauté des forts et des faibles.
"Car l'homme est le plus cruel des animaux." [2]
"Cruauté de l’irréflexion ! " [3]
"Mauvais est l’épithète caractéristique d’homme." [4]
l'instinct de « troupeau » [5]
il est devenu " malade de lui-même", [6] même si sa cruauté lui "procure le plus voluptueux sentiment de puissance."[7]
"Voir souffrir fait du bien, faire souffrir plus de bien encore – c'est une dure vérité, mais une vieille, puissante, capitale vérité humaine – trop humaine (…) Sans cruauté, pas de fête : voilà ce qu'enseigne la plus vieille et la plus longue histoire de l'homme - et le châtiment aussi a de telles allures de fête !" [8]
"L’importance d’un progrès se mesure même à la grandeur des sacrifices qui doivent lui être faits ; l’humanité, en tant que masse sacrifiée à la postérité d’une seule espèce d’hommes plus forts – voilà qui serait un progrès…" [9]
"Dans sa valeur, l'Européen d'aujourd'hui reste bien loin au-dessous de l'Européen de la Renaissance. (…) Ces cas (de réussite isolée) permettent, en effet, d'imaginer un type supérieur, quelque chose qui, par rapport à l'humanité tout entière, constitue une espèce d'hommes surhumains. Ces cas heureux de la grande réussite ont toujours été possibles et peut-être seront-ils toujours possibles." [10]
- Les illusions du bien et du mal.
"Tout se judaïse, ou se christianise, ou se voyoucratise à vue d’œil." [11]
"Au lieu des valeurs morales, rien que des valeurs naturalistes. Naturaliser la morale." [12]
"Les mauvais instincts sont en réalité aussi opportuns, aussi utiles à la conservation de l'espèce, aussi indispensables que les bons : leur fonction seule est différente." [13]
"Et l’impuissance qui n’use pas de représailles devient, par un mensonge, la bonté ; la craintive bassesse, humilité ; la soumission à ceux qu’on hait, obéissance (c’est-à-dire l’obéissance à quelqu’un dont ils disent qu’il ordonne cette soumission – ils l’appellent Dieu)." [14]
"même la chose la plus mauvaise a deux bons côtés." [15]
"- Je nie la moralité comme je nie l'alchimie : c'est-à-dire que je nie ses postulats mais non qu'il y ait eu des alchimistes qui croyaient à ces postulats et agissaient en fonction d'eux. - Je nie également l'immoralité : non le fait que d'innombrables hommes se sentent immoraux, mais celui qu'il existe en vérité une raison de se sentir tel. Je ne nie pas, cela va de soi, - dès lors que je ne suis pas insensé - qu'il faille éviter et combattre de nombreuses actions dites immorales ; ni qu'il faille accomplir et encourager de nombreuses actions dites morales, - mais je pense qu'il faut faire l'un et l'autre pour d'autres raisons que jusqu'à présent. Nous devons changer notre façon de juger, - afin de parvenir finalement, et peut-être très tard, à mieux encore : changer notre façon de sentir." [16]
"Je combats sous le nom de vice tout ce qui va contre la nature, tout «idéalisme » dirai-je pour les amateurs de grands mots. Ce principe (du code moral contre le vice) s'énonce ainsi : «Prêcher la chasteté est une incitation publique à violer les lois de la nature. Mépriser la vie sexuelle, la souiller par l'idée d'impureté, est un crime contre la vie même, - c'est, le vrai péché contre l'esprit saint de la Vie.»" [17]
"Car le mal est la meilleure force de l'homme (…) Le plus grand mal est nécessaire pour le plus grand bien du Surhomme."[18]
- La cruauté de la morale et du droit.
"L’État, c’est le plus froid de tous les monstres froids." [19]
"Toute force (religion, mythe, instinct de savoir) a, lorsqu’elle est excessive, en tant que domination rigide (Socrate), des effets barbares, immoraux et abrutissants."[20]
"car toutes les religions sont en dernière analyse des systèmes de cruauté." [21]
Sans doute par l'amour de la justice qui, grâce à sa clairvoyance, ne châtierait pas sans se rapporter à ses propres fautes, sans donner uniquement ce qui lui appartient, sans punir donc et en prenant divinement "la faute sur ses épaules" [22] : "Inventez-moi donc la justice qui acquitte chacun, hors celui qui juge !" [23]
"L’homme actif, agressif, même violemment agressif, est encore cent fois plus près de la justice que l’homme réactif." [24]
"(Les hommes) cherchent en vain la justice et l’équité dans les choses qui sont indépendantes de la volonté des hommes : c’est-à-dire qu’ils exigent que cette égalité reconnue par l’homme soit aussi reconnue par la nature et le hasard, ils s’indignent que les égaux n’aient pas le même sort."[25]
"L’équité est un développement de la justice qui naît parmi ceux qui ne pèchent pas contre l’égalité dans la commune : on l’applique à des cas où la loi ne prescrit rien, où intervient le sens subtil de l’équilibre qui prend en considération le passé et l’avenir et qui a pour maxime «ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu’on te fasse». Aequum veut dire précisément : «c’est conforme à notre égalité ; l’équité aplanit nos petites différences pour rétablir l’apparence d’égalité, et veut que nous nous pardonnions bien des choses que nous ne serions pas forcés de nous pardonner»." [26]
- L’égoïsme, la méchanceté, la guerre et la vengeance.
"Pour ces hommes d'aujourd'hui je ne veux ni être lumière, ni être appelé lumière. Ceux-là je veux les aveugler. Foudre de ma sagesse ! Crève-leur les yeux ! " [27]
"Quand votre âme grandit, elle devient présomptueuse, et dans votre hauteur, il y a de la méchanceté." [28]
"Si on méprise l'adversaire, on ne peut pas faire la guerre ; si on commande, si on a affaire à plus petit que soi, on ne doit pas. Ma façon de pratiquer la guerre peut se résumer en quatre points. Premièrement : je n'attaque qu'un adversaire victorieux, et au besoin j'attends qu'il le devienne. Secondement : je n'attaque jamais que quand je suis sûr de ne pas trouver d'alliés, quand je suis isolé, seul à me compromettre... Je n'ai jamais fait en public un pas qui ne m'ait compromis c'est mon critérium du bien faire. Troisièmement je n'attaque jamais de personnes, je ne me sers d'elles que comme de loupes pour rendre visibles les calamités publiques latentes et insaisissables. C'est ainsi que j'ai attaqué David Strauss, ou, pour parler plus exactement, le succès d'une œuvre sénile auprès des Allemands « cultivés » ; c'était pour prendre cette culture en flagrant délit... Et c'est encore ainsi que j'ai attaqué Wagner, ou, pour m'exprimer plus précisément, la mauvaise conscience d'une «civilisation » dont l'instinct faussé confondait le raffinement avec la richesse et le faisandé avec la grandeur. Quatrièmement : je n'attaque qu'en l'absence de tout différend personnel, quand le tournoi ne couronne pas une série de mauvais procédés. Car attaquer est, au contraire, de ma part, une preuve de bienveillance, et de gratitude parfois. En liant mon nom à celui d'une cause ou d'une personne, - pour ou contre, ici c'est tout comme, - je lui fais honneur et je la distingue." [29]
"Et la guerre élève à la liberté. Car, qu’est-ce que la liberté ? C’est avoir la volonté de répondre de soi. C’est maintenir les distances qui nous séparent. C’est être indifférent aux chagrins, aux duretés, aux privations, à la vie même. C’est être prêt à sacrifier les hommes à sa cause, sans faire exception de soi-même. Liberté signifie que les instincts virils, les instincts joyeux de guerre et de victoire, prédominent sur tous les autres instincts, par exemple sur ceux du « bonheur »." [30]
"Le remords est, comme la morsure d’un chien sur une pierre, une bêtise." [31]
- La vertu
"J’aime celui qui ne veut pas avoir trop de vertus. Il y a plus de vertu en une seule vertu qu’en deux vertus : c’est un nœud où s’accroche la destinée." [32]
"Quand aurons-nous complètement «dédivinisé» la nature ? Quand nous sera-t-il enfin permis de commencer à nous rendre naturels, à nous «naturiser», nous hommes, avec la pure nature, la nature retrouvée, la nature délivrée ? " [33]
"En nous cette vertu, la seule qui nous soit restée." [34]
"On n'a jamais qu'une seule vertu - ou aucune." [35]
"Si l'on pouvait créer les mœurs, des mœurs puissantes ! Avec elles on aurait aussi la moralité." [36]
- L’innocence
"Nous devons être libres et sans peur, croître et fleurir sur notre propre sève dans l'innocence de notre moi." [37]
[1] Nietzsche, Ecce Homo, Pourquoi je suis si sage, 4, p. 24.
[2] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Convalescent.
[3] Nietzsche, Le Voyageur et son ombre, § 57.
[4] Nietzsche, Humain, trop humain, t. I, Médiations, Denoël- Gonthier, Paris, §45.
[5] Nietzsche, La Généalogie de la morale, op. cit., p. 29.
[6] Nietzsche, La Généalogie de la morale, II. 16, p. 121.
[7] Nietzsche, Aurore, § 18.
[8] Nietzsche, La Généalogie de la morale, II, 6, p. 91.
[9] Nietzsche, La Généalogie de la morale, op. cit., p. 110.
[10] Nietzsche, L'Antéchrist, § 4.
[11] Nietzsche, La Généalogie de la morale, op. cit. p.44.
[12] Nietzsche, La Volonté de puissance, introduction, liv. II, § 19.
[13] Nietzsche, Le Gai savoir, § 4.
[14] Nietzsche, La Généalogie de la morale, p. 61.
[15] Nietzsche, Poèmes, La Chanson à boire, p. 153.
[16] Nietzsche, Aurore, § 103, p. 107.
[17] Nietzsche, Le Gai savoir, § 140 et Ecce Homo, 5, Pourquoi j'écris de si bons livres, p. 71.
[18] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, IV, 5. De l'homme supérieur.
[19] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, livre I, De la nouvelle idole.
[20] Nietzsche, Le Livre du Philosophe, § 175.
[21] Nietzsche, La Généalogie de la morale, p. 82.
[22] Nietzsche, Ecce Homo, Pourquoi je suis si sage, 5, p. 27.
[23] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, La morsure de la vipère.
[24] Nietzsche, La Généalogie de la morale, op. cit., p. 104.
[25] Nietzsche, Le Voyageur et son ombre, § 29.
[26] Nietzsche, Le Voyageur et son ombre, § 32.
[27] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, IV, 7. De l'homme supérieur.
[28] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De la guerre et des guerriers, p.60.
[29] Nietzsche, Ecce Homo, Pourquoi je suis si sage, 7, p. 30
[30] Nietzsche, Le Crépuscule des idoles, Mon idée de la liberté, 38, p. 109.
[31] Nietzsche, Le Voyageur et son ombre, § 38.
[32] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Prologue de Zarathoustra, 4, p. 21.
[33] Nietzsche, Le Gai savoir, § 109.
[34] Nietzsche, Par delà le bien et le mal, 10/18, 1951, § 227.
[35] Nietzsche, La Volonté de puissance, tome II, § 414 et 381, pp. 330 et 323.
[36] Nietzsche, Le Livre du philosophe, § 45.
[37] Nietzsche, Le Gai savoir, § 100.
6. L'amour de l'autre
Nietzsche considère que rien n'est plus humain que d'aimer les autres, certes de loin, mais en sachant qu'il faut toujours "épargner la honte à quelqu'un". [1]
désir d'un "grand amour (qui) refuse vengeances et représailles." [2]
"Il y a toujours un peu de folie dans l'amour. Mais il y a toujours un peu de raison dans la folie." [3]
l'amour-désir accomplit la "circonférence des circonférences", [4] c'est-à-dire rend une âme "plus enveloppante et plus vaste", notamment lorsqu'elle ne cherche pas à s'approprier ce qu'elle entoure amoureusement, lorsqu'elle reste loin de toute exclusive et "sauvage cupidité". [5]
"Toutes choses sont enchaînées, enchevêtrées, unies par l'amour" [6]
- L'amitié.
"J'aime les hommes parce qu'ils sont disciples de la lumière, et je me réjouis de la clarté qui est dans leurs yeux..." [7]
"Tu voudras secourir toi aussi : mais que ce soit seulement ceux dont tu comprends entièrement la misère parce qu'ils n'ont avec toi qu'une même joie, qu'un même espoir... que ce soient tes amis ; et seulement de la façon dont tu te viens en aide à toi-même ; rends les plus vaillants, plus endurants, plus simples, plus joyeux ! " [8]
"Je et Moi sont toujours en conversation trop animée : comment supporterait-on cela si l'on n'avait pas un ami ? Pour l'ermite, l'ami est toujours le tiers : le tiers est le liège qui empêche l'entretien des deux autres de sombrer dans les profondeurs. Hélas ! Il y a trop de profondeurs pour tous les solitaires. Aussi aspirent-ils à un ami qui les entraîne plus haut."[9]
"Je vous enseigne l'ami et son cœur débordant. Mais il faut savoir être une éponge quand on veut être aimé par des cœurs débordants. Je vous enseigne l'ami qui porte en lui un monde achevé, une enveloppe du bien, - l'ami créateur qui a toujours un monde achevé à offrir." [10]
"Je le dis en plein visage à chacun de mes amis : nul d'entre eux n'a trouvé aucune de mes œuvres digne de l'effort d'être étudiée ; je devine aux moindres indices qu'ils ne savent même pas ce qui s'y trouve."[11]
- L'ami et l'ennemi.
"Si l'on veut avoir un ami, il faut aussi vouloir se battre pour lui : et pour se battre, il faut être capable d'être ennemi. Il faut honorer l'ennemi jusqu'en son ami."[12]
"Ton ami doit être ton meilleur ennemi. C'est quand tu luttes contre lui que tu dois être le plus près de son cœur." [13]
"Tu ne veux pas t'envelopper de voiles devant ton ami ? Qui ne sait se dissimuler provoque l'indignation : voilà pourquoi il faut craindre la nudité ! Ah ! Si vous étiez des dieux, vous pourriez avoir honte de vos vêtements ! Tu ne saurais assez bien t'habiller pour ton ami : car tu dois être pour lui une flèche et un désir dirigés vers le Surhomme. (…) L'homme est quelque chose qui doit être surmonté." [14]
"L'homme qui cherche la connaissance ne doit pas seulement savoir aimer ses ennemis, il doit aussi savoir haïr ses amis." [15]
"Plutôt une inimitié d'un bloc - Qu'une amitié faite de bois recollés." [16]
"Oui pour devenir amis - Il faut la fumée de la poudre ! - Les amis ne font qu'un dans trois cas : - Ils sont frères devant la misère, - Ils sont égaux devant l'ennemi,- Ils sont libres… devant la mort !"[17]
"Si tu as un ami qui souffre, sois un asile pour sa souffrance, mais sois, en quelque sorte, un lit dur, un lit de camp : c'est ainsi que tu lui seras le plus utile." [18]
"Nous étions deux amis, nous sommes deux étrangers. Mais cela est bien ainsi. (…) La toute-puissance de nos tâches nous a ensuite séparés ! (…) Pour cela l'idée de notre ancienne amitié doit nous devenir plus sacrée ! Il existe probablement une formidable trajectoire, une piste invisible, une orbite stellaire, sur laquelle nos voies et nos buts différents sont inscrits comme de petites étapes ;… élevons-nous jusqu'à cette pensée. (…) Croyons donc à notre amitié stellaire, même si nous devons être sur terre des ennemis." [19]
"Je ne vous enseigne pas le prochain, je vous enseigne l'ami. Que l'ami vous soit la fête de la terre et un pressentiment du Surhomme. (…) En ton ami tu dois aimer le Surhomme comme ta raison d'être." [20]
- Une brève amitié stellaire ouverte sur l'ombre du surhomme.
" Ceci, ceci est ma pente et mon danger que mon regard se précipite vers le sommet, tandis que ma main voudrait s’accrocher et se soutenir dans les profondeurs. C’est à l’homme que je cramponne ma volonté, je me lie à l’homme par des chaînes, puisque je suis attiré vers le Surhomme ; car c’est là que veut aller mon autre volonté." [21]
"Plus haut que l'amour du prochain se trouve l'amour du lointain et du futur. Plus haut encore que l'amour de l'homme, je place l'amour des choses et des fantômes." - "Höher als die Liebe zum Nächsten ist die Liebe zum Fernsten und Künftigen ; höher noch als die Liebe zu Menschen ist die Liebe zu Sachen und Gespenstern." [22]
[1] Nietzsche, Le Gai savoir, § 274.
[2] Nietzsche, Poèmes, L'enchanteur, p. 132.
[3] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Lire et écrire, p. 52.
[4] Nietzsche, Ibidem, Du grand désir, p. 257.
[5] Nietzsche, Le Gai savoir, § 14, p. 57.
[6] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Chant d'ivresse, 10, p. 367.
[7] Nietzsche, Le Voyageur et son ombre, p.6.
[8] Nietzsche, Le Gai savoir, § 338.
[9] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De l'ami, p. 69.
[10] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De l'amour du prochain, p. 75.
[11] Nietzsche, Ecce Homo, Le Cas Wagner, 4, p. 140.
[12] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De l'ami, p.69.
[13] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De la guerre et des guerriers, p. 60.
[14] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De l'ami, p. 70.
[15] Nietzsche, Ecce Homo, Avant-propos, p. 11, et Ainsi parlait Zarathoustra, De la vertu qui donne, 3. p. 93.
[16] Nietzsche, Le Gai savoir, Plaisanterie, ruse et vengeance, § 14 p. 20.
[17] Nietzsche, Le Gai savoir, § 41 p. 28.
[18] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Des miséricordieux, p. 105.
[19] Nietzsche, Le Gai savoir, § 279 p. 225.
[20] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De l'amour du prochain, p. 75.
[21] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De la sagesse des hommes.
[22] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De l'amour du prochain, p. 74.
7. L'amour des symboles de la vérité
- L’aigle et le serpent de Zarathoustra.
- L’animal le plus fier. "Un aigle planait dans les airs en larges cercles, et un serpent était suspendu à lui, non pareil à une proie, mais comme un ami : car il se tenait enroulé autour de son cou." [1]
- L'amour de la vérité-femme.
"À supposer que la vérité soit une femme, n'aurait-on pas lieu de supposer que les philosophes, dans la mesure où ils ont été dogmatiques, n'ont rien compris aux femmes ?" [2]
"Tout homme porte en soi l’image de la femme qui lui vient de sa mère. C’est elle qui le détermine à respecter les femmes en général ou à les mépriser ou à ne sentir à leur égard qu’indifférence." [3]
"Et ces femmes d'aujourd'hui - ne sont-elles pas elles aussi ignobles et populacières ? Dociles, jouisseuses, oublieuses, miséricordieuses - elles ne sont pas loin d'être des putains." [4]
"Qui donc a entièrement compris à quel point l'homme et la femme sont étrangers l'un à l'autre ? " [5]
"L'homme recherche l'homme idéal, la femme la femme idéale, qu'ainsi ils ne cherchent pas le complément mais l'achèvement de leurs propres avantages." [6]
"La femme parfaite est un type plus élevé de l'humanité que l'homme parfait."[7]
Nietzsche pense d'ailleurs qu'il est "peut-être le premier psychologue de l'Éternel Féminin." [8]
"La femme parfaitement femme déchire toujours ce qu'elle aime... Je connais bien ces aimables Furies... Quels dangereux et rampants et infernaux petits rapaces ! Et si agréables, en même temps !... Une petite femme à la poursuite de sa vengeance bousculerait le destin lui-même !"
"Es-tu un esclave? Tu ne peux donc pas être un ami. Es-tu un tyran ? Tu ne peux donc pas avoir d'amis. Pendant trop longtemps un esclave et un tyran ont été cachés dans la femme. C'est pourquoi la femme n'est pas encore capable d'amitié : elle ne connaît que l'amour. Dans l'amour de la femme, il y a de l'injustice et de l'aveuglement à l'égard de tout ce qu'elle n'aime pas. Et même dans l'amour conscient de la femme, il y a toujours, à côté de la lumière, la surprise, l'éclair et la nuit. La femme n'est pas encore capable d'amitié. Des chattes, voilà ce que restent les femmes, des chattes et des oiseaux. Ou, en mettant les choses au mieux, des vaches. La femme n'est pas encore capable d'amitié. Mais, dites-moi, vous hommes, qui d'entre vous est donc capable d'amitié ? "[9]
"Tout esprit profond a besoin d’un masque : bien plus, un masque pousse continuellement autour de tout esprit profond, grâce à l’interprétation constamment fausse, à savoir plate donnée à toute parole, à toutes ses démarches, à toutes les manifestations de sa vie." [10]
"Non, ce mauvais goût, ce besoin de vérité, de la vérité à tout prix, cette folie de jeune homme nous dégoûte : nous avons bien trop d'expérience, de sérieux, de gaieté, de brûlures, de profondeur… Nous ne croyons plus que la vérité reste vérité sans ses voiles ; nous avons trop vécu pour cela. Nous faisons maintenant une question de décence de ne pas vouloir tout voir nu, de ne pas assister à tout, de ne pas chercher à tout comprendre et tout savoir." [11]
"La vérité n'est-elle pas un attentat contre notre pudeur ?" [12]
"Mais peut-être est-ce là le plus grand charme de la vie ; elle porte sur soi, brodé d'or, un voile prometteur, défensif, pudique, moqueur, compatissant, et tentateur, de belles possibilités. Eh oui, la vie, la vie est femme !" [13]
"La vérité elle est femme, rien de mieux,
rusée dans sa pudeur :
ce qu'elle aimerait le mieux,
elle ne veut pas le savoir,
elle le cache de ses doigts…
À quoi cède-t-elle ? À la force seulement !
User de force, soyez durs, vous, les plus sages !
Il vous faut la contraindre,
la pudibonde vérité !...
Pour son propre bonheur,
la contrainte est de rigueur
- elle est femme, rien de mieux…"[14]
[1] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Prologue, 10, p. 31.
[2] Nietzsche, Par delà le Bien et le Mal, Préface.
[3] Nietzsche, Humain trop humain, II, chap. 7, § 380.
[4] Nietzsche, Poèmes, Pour "Le plus hideux des hommes", p. 144.
[5] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra,, «Des trois maux», 2, p. 218.
[6] Nietzsche, Humain, trop humain, § 411.
[7] Nietzsche, Humain, trop humain, § 377.
[8] Nietzsche, Ecce Homo, «Pourquoi j'écris de si bons livres», § 5.
[9] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De l'ami, pp. 70-71.
[10] Nietzsche, Par delà Bien et Mal, § 40.
[11] Nietzsche , Le Gai savoir, Prologue IV, p. 15.
[12] Nietzsche, Le Crépuscule des idoles, Maximes et pointes, § 16.
[13] Nietzsche, Le Gai savoir, § 339.
[14] Nietzsche, Poèmes, La sorcière, p. 182.
[15] Nietzsche, Seconde considération intempestive, op.cit., p. 161.
[16] Nietzsche, Lettre à Overbeck du 28. 8. 1883.
[17] Nietzsche, Seconde considération intempestive, op.cit., p. 136.
[18] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Notes et aphorismes, n°67, p. 398.
[19] Nietzsche, Le Gai savoir, § 365.
[20] Nietzsche, Poèmes, Sur l'eau - Gloire, p. 206.
[21] Nietzsche, Seconde considération intempestive, op.cit., p. 100.
[22] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Les trois métamorphoses, p. 37.
[23] Nietzsche, La Volonté de puissance, op.cit., t. I, liv. II, § 51.
[24] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Les Sept sceaux.
[25] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Chant d’ivresse.
[26] Nietzsche, Le Gai savoir, § 285.
[27] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De la vertu qui donne.
[28] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, 2, p. 255.
[29] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le convalescent.
[30] Nietzsche, Poèmes (1858-1888), op.cit., Le silence d'airain, p. 180.
[31] Nietzsche, La Volonté de puissance, op.cit., t. II, Introduction, § 14, p. 229-230.
[32] Nietzsche, Le Gai savoir, § 276.
[33] Nietzsche, Le Gai savoir, § 109.
[34] Nietzsche, Le Gai savoir, § 374.
[35] Nietzsche, Nietzsche contra Wagner. Pièces au dossier d'un psychologue, 1888, texte publié en 1895, trad. Henri Albert (Haug), révisée par J. Le Rider, Laffont «Bouquins» Paris 1993.
[36] Nietzsche, Le Crépuscule des idoles, Maximes et pointes, § 33.
[37] Nietzsche, Le Gai savoir, § 107 et Avant- propos.
[38] Nietzsche, Le Gai savoir, § 381.
[39] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Chant de la danse.
[40] Nietzsche, Le Livre du philosophe, § 120.
[41] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Avant le lever du soleil.
[42] Nietzsche Ainsi parlait Zarathoustra, Midi.
[43] Nietzsche, Le Gai savoir, § 338.
[44] Nietzsche, Le Gai savoir, § 381.
[45] Nietzsche, Lettre à Rohde du 15 juillet 1882.
[46] Nietzsche, Le Gai savoir, Plaisanterie, ruse et vengeance, § 7, p. 18.
[47] Nietzsche, Le Gai savoir, § 248.
8. Amour, rêves et transgressions
- La folie d'un amour inconditionnel et illimité.
"Je ne connais pas de meilleur but dans la vie que de se briser contre le sublime et l'impossible, animae magnae prodigus." [1]
"Je suis victime d'un inexorable désir de vengeance alors que mon moi le plus intime a renoncé à toute vengeance et à tout châtiment. Ce conflit intérieur me mène pas à pas à la folie."[2]
"Tout ce qui vit a besoin de s'entourer d'une atmosphère, d'une auréole mystérieuse." [3]
"Ce qui est fait par amour, n'est pas moral, mais est religieux." [4]
- L'oubli de soi et la vision silencieuse du retour éternel.
"C'est seulement après notre trépas que nous naîtrons à notre vie, et que nous deviendrons vivants, ah ! Très vivants ! Nous, hommes posthumes ! " [5]
"L'on ne reste bon que si l'on oublie. - Les enfants qui n'oublient pas réprimandes et châtiments - Deviennent sournois et secrets." [6]
"Or tout passé est digne d'être condamné ; car il en est ainsi des choses humaines : toujours la force et la faiblesse humaines y ont été puissantes." [7]
"L'enfant est innocence et oubli, un nouveau commencement et un jeu, une roue qui roule sur elle-même, un premier mouvement, un «oui» sacré." [8]
"Voilà mon univers dionysiaque qui se crée et se détruit éternellement lui-même, ce monde mystérieux des voluptés doubles, voilà mon au delà du bien et du mal, sans but, à moins que le bonheur d’avoir accompli le cycle ne soit un but." [9]
- L'instant joyeux de l'éternité.
"Que tout ce qui est lourd devienne léger, que tout corps devienne danseur, tout esprit oiseau ! " [10]
"Toute joie veut l’éternité de toutes choses, veut du miel, du levain, veut un minuit enivré, veut des tombes, veut la consolation des larmes versées sur les tombes, veut un couchant rouge et or. Que ne veut-elle pas, la joie ! Elle est plus assoiffée, plus cordiale, plus affamée, plus effrayante, plus secrète que toute douleur, elle se veut elle-même, elle se mord elle-même, la volonté de l’anneau lutte en elle. Elle veut de l’amour, elle veut de la haine, elle est dans l’abondance… la joie veut l’éternité de toutes choses, veut la profonde, profonde éternité ! " [11]
- L'instant de l'Éternel retour.
"Tu te défendras contre la paix définitive, tu voudras l'éternel retour de la guerre et de la paix." [12]
"Et ce sera le grand midi quand l’homme sera au milieu de sa route entre la bête et le Surhomme, quand il fêtera, comme sa plus haute espérance, son chemin qui conduit au soir, car c’est la route d’un nouveau matin." [13]
"Nous avons existé un nombre infini de fois, et toutes choses avec nous." [14]
"Un jour reviendra l’enchevêtrement des causes où je suis enserré, – il me recréera ! Je fais moi-même partie des causes de l’éternel retour. Je reviendrai avec ce soleil, avec cette terre, avec cet aigle, avec ce serpent – non pas pour une vie nouvelle, ni pour une vie meilleure ou semblable : je reviendrai éternellement pour cette même vie, identiquement pareille, en grand et aussi en petit, afin d’enseigner de nouveau l’éternel retour de toutes choses, – afin de proclamer à nouveau la parole du grand midi de la terre, et des hommes, afin d’enseigner de nouveau aux hommes la venue du Surhomme." [15]
- Un amour tragique du destin.
"Tu ne supportes plus- Ton impérieux destin ? - Aime-le, car tu n'as plus le choix !" [16]
"Une philosophie expérimentale telle que je la vis anticipe elle-même, à titre d'expérience, les possibilités du nihilisme radical : ce qui ne signifie point qu'elle s'arrête à une négation, à un Non, à une volonté de négation. Elle veut bien plutôt se frayer un chemin jusqu'à son opposé – jusqu'à une affirmation dionysiaque du monde tel qu'il est sans rien en retrancher, en excepter ou y choisir – elle veut le cycle éternel : les mêmes choses, le même logique et illogique entrelacs. L'état suprême auquel puisse atteindre un philosophe : avoir en face de l'existence une attitude dionysiaque : voici la formule que je propose : amor fati."[17]
"Amor fati : que ce soit désormais mon amour. Je ne veux pas faire la guerre au laid. Je ne veux pas accuser, même les accusateurs. Je détournerai mon regard, ce sera désormais ma seule négation ! Et, en un mot, en grand, je ne veux plus, de ce jour, être jamais qu'un affirmateur." [18]
- La dévorante folie de la transgression.
"Le caractère du monde est celui d'un chaos éternel, non du fait de l'absence d'une nécessité, mais du fait d'une absence d'ordre, d'enchaînement, de sagesse…" [19]
"Le monde, pour nous, est redevenu infini, en ce sens que nous ne pouvons pas lui refuser la possibilité de prêter à une infinité d'interprétations (…) Hélas, nous avons trop de possibilités d'interpréter cet inconnu sans dieu, de l'interpréter avec le diable, ou la bêtise, ou la folie." [20]
- L’Ouvert musical et la danse
"Ce que j'exige en somme de la musique : il faut qu'elle soit sereine et profonde comme un après-midi d'octobre. Il faut qu'elle soit personnelle, exubérante et tendre, que sa fourberie et sa grâce en fassent une douce petite femme." [21]
"Combien peu de chose il faut pour le bonheur ! Le son d'une cornemuse. - Sans musique la vie serait une erreur. L'Allemand se figure Dieu lui-même en train de chanter des chants." [22]
"Nous avons besoin de tout art pétulant, flottant, dansant, moqueur, enfantin, bienheureux, pour ne pas perdre cette liberté qui nous place au-dessus des choses et que notre idéal exige de nous."[23]
"Ce n'est pas la graisse qu'un bon danseur veut obtenir de son alimentation, c'est le maximum de la souplesse et de la force… et je ne sais rien qu'un philosophe souhaite plus être qu'un bon danseur. Car la danse est son idéal, son art aussi, sa seule piété enfin, son culte…" [24]
[1] Nietzsche, Seconde considération intempestive, op.cit., p. 161.
[2] Nietzsche, Lettre à Overbeck du 28. 8. 1883.
[3] Nietzsche, Seconde considération intempestive, op.cit., p. 136.
[4] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Notes et aphorismes, n°67, p. 398.
[5] Nietzsche, Le Gai savoir, § 365.
[6] Nietzsche, Poèmes, Sur l'eau - Gloire, p. 206.
[7] Nietzsche, Seconde considération intempestive, op.cit., p. 100.
[8] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Les trois métamorphoses, p. 37.
[9] Nietzsche, La Volonté de puissance, op.cit., t. I, liv. II, § 51.
[10] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Les Sept sceaux.
[11] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Chant d’ivresse.
[12] Nietzsche, Le Gai savoir, § 285.
[13] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, De la vertu qui donne.
[14] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, 2, p. 255.
[15] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le convalescent.
[16] Nietzsche, Poèmes (1858-1888), op.cit., Le silence d'airain, p. 180.
[17] Nietzsche, La Volonté de puissance, op.cit., t. II, Introduction, § 14, p. 229-230.
[18] Nietzsche, Le Gai savoir, § 276.
[19] Nietzsche, Le Gai savoir, § 109.
[20] Nietzsche, Le Gai savoir, § 374.
[21] Nietzsche, Nietzsche contra Wagner. Pièces au dossier d'un psychologue, 1888, texte publié en 1895, trad. Henri Albert (Haug), révisée par J. Le Rider, Laffont «Bouquins» Paris 1993.
[22] Nietzsche, Le Crépuscule des idoles, Maximes et pointes, § 33.
[23] Nietzsche, Le Gai savoir, § 107 et Avant- propos.
[24] Nietzsche, Le Gai savoir, § 381.
9. Conclusion
"Un jour j'ai contemplé tes yeux, ô vie ! Et il m'a semblé sombrer dans un abîme insondable !" [1]
"Dans le temps infini et dans l'espace infini il n'y a pas de fins : ce qui est là est là éternellement, sous quelque forme que ce soit. Quel monde métaphysique il doit y avoir, il est impossible de le prévoir." [2]
"O ciel au-dessus de moi, ciel pur, ciel profond ! Abîme de lumière ! En te contemplant je frissonne de désirs divins." [3]
"Ô ciel au-dessus de moi, tu écoutes mon âme singulière ! Quand boiras-tu cette goutte de rosée qui est tombée sur toutes les choses de la terre, quand boiras-tu cette âme singulière, quand absorberas-tu mon âme en toi ?" [4]
- Postérité : "Vis caché, afin de pouvoir vivre pour toi. Vis ignorant de ce qui paraît le plus important à ton époque. Mets l'épaisseur d'au moins trois siècles entre elle et toi." [5]
"Quand on écrit c'est non seulement pour être compris, mais encore pour ne l'être pas." [6]
Nietzsche a déclaré à son ami Rohde : "Mihi ipsi scripsi" (J'ai écrit pour moi-même).[7]
"Je te plais, mes discours t'attirent,- Tu veux me suivre et marcher sur mes pas ? - Suis-toi fidèlement toi-même, - C'est ainsi que tu me suivras… tout doux, tout doux." [8]
"Qu'est-ce qu'un livre qui ne sait même pas nous emporter au delà de tous les livres ?" Nietzsche [9]
[1] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Chant de la danse.
[2] Nietzsche, Le Livre du philosophe, § 120.
[3] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Avant le lever du soleil.
[4] Nietzsche Ainsi parlait Zarathoustra, Midi.
[5] Nietzsche, Le Gai savoir, § 338.
[6] Nietzsche, Le Gai savoir, § 381.
[7] Nietzsche, Lettre à Rohde du 15 juillet 1882.
[8] Nietzsche, Le Gai savoir, Plaisanterie, ruse et vengeance, § 7, p. 18.
[9] Nietzsche, Le Gai savoir, § 248.
10. Bibliographie de Nietzsche
- La Naissance de la tragédie - 1872 - (Die Geburt der Tragödie aus dem Geiste der Musik), trad. Cornélius Heim, Paris, Médiations Gonthier, 1964, n° 17.
- Le Livre du philosophe - 1872 - (Das Philosophenbuch - Theoretische Studien), trad. Angèle K. Marietti, Aubier-Flammarion n°29, 1969.
- La Naissance de la philosophie à l'époque de la tragédie grecque - 1873. (Die Philosophie im tragischen Zeitalter der Griechen), trad. G. Bianquis, Paris, idées nrf, Gallimard, n°196, 1969.
- La vision dionysiaque du monde, Allia, 2010.
- Première considération inactuelle, Allia, 2009.
- Seconde considération intempestive, De l'utilité et de l'inconvénient des études historiques pour la vie - (Unzeitgemäße Betraachtungen), 1874. Trad. Henri Albert, GF-Flammarion, 1988, n° 483.
- Humain trop humain, t. I et II - 1878 (Menschliches, Allzumenschliches - Ein Buch Für freie Geister), trad. par A.-M. Desrousseaux, Paris, Médiations Denoël Gonthier, 1973, n° 106 et 107.
- Le voyageur et son ombre - 1880 (Der Wanderer und sein Schatten), 2° partie de Humain trop humain, Trad. Henri Albert, Paris, Médiations Denoël Gonthier, 1979, n° 128.
- Aurore - 1881 (Morgenröthe - Gedanken über die moralischen Vorurtheile), Trad. Julien Hervier, Paris, idées nrf, Gallimard, n°322, 1974, n° 322.
- Le Gai savoir - 1881-1882 (Die fröhliche Wissenschaft - la gaya scienza), trad. A. Vialatte. Paris, NRF., Gallimard idées, 1964.
- Ainsi parlait Zarathoustra - 1883 - (Also sprach Zarathustra - Ein Buch für Alle und Keinen), traduction française: Henri Thomas, Gallimard, Livre de poche, 1963, n° 987 et 988.
- Par delà le Bien et le Mal - 1886 - (Jenseits von Gut und Böse - Vorspiel einer Philosophie der Zukunft), trad. G. Bianquis, Paris, idées nrf, Gallimard, 1951.
- La Généalogie de la morale - 1887 - (Zur Genealogie der Moral - Eine Streitschrift), trad. H. Albert, NRF Gallimard, Livre de poche, 1964, n° 113.
- Le Cas Wagner - 1888 - (Der Fall Wagner - Ein Musikanten Problem).Trad. Henri Albert, Paris, Médiations Denoël Gonthier, 1973, n° 68.
- Le Crépuscule des idoles - 1888- (Götzendämmerung oder Wie man mit dem Hammer philosophiert).Trad. Henri Albert, Paris, Médiations Denoël Gonthier, 1973, n° 68.
- L'Antéchrist - 1888 (Der Antichrist- Versuch einer Kritik des Christenhums). Trad. Dominique Tassel, UGE 1967, 10/18, n° 360.
- Nietzsche contre Wagner - 1888 (Nietzsche contra Wagner). Trad. Paul Lebeer, 1968, J-J Pauvert n° 5.
- Ecce Homo - 1888 (Ecce Homo- Wie man wird, was man ist). Trad. J-C Hémery, Idées/Gallimard n° 390.
- Poèmes (1858-1888), traduits de l'allemand par Michel Haar, nrf, Poésie / Gallimard, 2006.
- Dithyrambes pour Dionysos, (Dionysos-Dithyramben), 1888, traduit de l'allemand par Michel Haar, nrf, Poésie / Gallimard, 2006. Ou bien Dithyrambes de Dionysos, 1888, traduit de l'allemand par Henri Albert, traduction révisée par Jean Lacoste, éd. Bouquins, Robert Laffont, Œuvres **, Paris, 1993.
- La Volonté de puissance, (Der Wille zur Macht) t. I et II - Œuvre posthume (Nachgelassene Werke), Trad. G. Bianquis. Paris, NRF., Gallimard, 1942.