Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.
4 Juin 2022
"Matérialiser l'imaginaire. (…) L'air est une pauvre matière. (…) Le mouvement prime la substance. (…) Matière non-dimensionnelle. (…) Toute valorisation est verticalisation. (…) L'air imaginaire est l'hormone qui nous fait grandir psychiquement. (…) Les images de l'air sont sur le chemin des images de la dématérialisation. (…) L'image est en nous le sujet du verbe imaginer. (…) Le dynamisme aérien est plus volontiers un dynamisme du souffle doux." [1]
- "Pour Blake, le vol est la liberté du monde. (…) Ainsi l'oiseau est l'air libre personnifié. (…) À lire dynamiquement Blake, on prend vite conscience qu'il est le héros d'une lutte du terrestre et de l'aérien. Plus exactement, il est le héros de l'arrachement, l'être qui lève la tête hors de la matière, l'être étrange qui unit deux dynamiques : sortir de terre et s'élancer au ciel." [2]
"Pour bien imaginer, il faut une double participation. Seule l'imagination matérielle, l'imagination qui rêve des matières sous les formes, peut fournir, en unissant les images terrestres et les images aériennes, les substances imaginaires où s'animeront les deux dynamismes de la vie : le dynamisme qui conserve et le dynamisme qui transforme. Nous retrouvons toujours les mêmes conclusions : l'imagination d'un mouvement réclame l'imagination d'une matière. À la description purement cinématique d'un mouvement – fût-ce d'un mouvement métaphorique -, il faut toujours adjoindre la considération dynamique de la matière travaillée par le mouvement." [1]
- "L'imagination dynamique est très exactement le rêve de la volonté ; elle est la volonté qui rêve." [2]
- "L'imagination matérielle de Nietzsche se réserve pour donner la substance aux adjectifs de l'air et du froid.(…) Pour Nietzsche, la musique qui nous donne la vie aérienne, une vie aérienne spéciale faite d'un air matinal et clair, est incomparablement supérieure à une musique qui accepte les métaphores du flot, des ondes, de la mer infinie." [3]
- "l'air pur et froid des hauteurs – esprits libres, esprits aériens, esprits joyeux – Lair est une sorte de matière surmontée comme la joie nietzschéenne est une joie humaine surmontée (…) la joie aérienne est liberté. L'air nietzschéen est alors une étrange substance : c'est la substance sans qualités substantielles. Elle peut donc caractériser l'être comme adéquat à une philosophie du total devenir. Dans le règne de l'imagination, l'air nous libère des rêveries substantielles, intimes, digestives. Il nous libère de notre attachement aux matières : il est donc la matière de notre liberté"(…) L'imagination matérielle de l'air cède la place à une imagination dynamique de l'air. (…) L'air est la véritable patrie du prédateur. L'air est cette substance infinie qu'on traverse d'un trait, dans une liberté offensive et triomphante, comme la foudre, comme l'aigle, comme la flèche, comme le regard impérieux et souverain. (…) Dans l'air, Nietzsche ne rêve qu'à la tonicité : le froid et le vide."[4]
- "Respirant l'air le plus pur, - les narines gonflées comme des gobelets, - sans avenir, sans souvenir…" [5]
- "La véritable qualité tonique de l'air, la qualité qui fait la joie de respirer, la qualité qui dynamise l'air immobile – véritable dynamisation en profondeur qui est la vie même de l'imagination dynamique – c'est cette fraîcheur.(…) le froid des hauteurs, des glaciers, des vents absolus. (…) L'air fort et vif, tonique, fin et pur- dünn und rein- l'air du froid et du silence. (…) Le vent froid des hauteurs est un être dynamique, il ne hurle ni ne murmure ; il se tait." [6]
- "Je ne te dirai non pas ton poids, mais ton avenir aérien. Le peseur est le maître de la légèreté. Un peseur lourd est un non-sens nietzschéen. Il faut être aérien, léger, ascensionnel pour évaluer des forces du surhumain. D'abord voler, ensuite on connaîtra la terre ! (…) "Notre être, de terrestre, doit devenir aérien. Alors il rendra toute terre légère. Notre propre terre, en nous, sera «la légère». (…) Les images nietzschéennes ont la double cohérence qui anime – séparément – la poésie et la pensée. Ces images nietzschéennes vérifient cette cohérence matérielle et dynamique qui donne une imagination matériellement et dynamiquent bien spécifiée. " [7]
"La transmutation de l'être (…) est l'œuvre de la volonté pure, c'est-à-dire de la volonté instantanée. Ici, l'imagination dynamique s'impose à l'imagination matérielle : jette-toi en haut, libre comme l'air, tu deviendras matière de liberté." [8]
"Toi seul (Zarathoustra), tu sais rendre autour de toi l'air fort et pur ! Ai-je jamais trouvé sur la terre un air aussi pur que chez toi, dans ta caverne ? J'ai pourtant vu bien des pays, mon nez a appris à humer et à évaluer toutes sortes d'airs : mais c'est auprès de toi que mes narines éprouvent leur plus grande joie ! (…) Car, auprès d'elles (les filles du désert), il y avait aussi un air clair et pur d'Orient ; c'est là-bas que j'ai été le plus loin de la vieille Europe, nuageuse, humide et mélancolique. Alors j'aimais ces filles d'Orient et d'autres royaumes des cieux azurés, sur quoi n'étaient suspendus ni nuages ni pensées.(…) De ses narines il absorbait l'air, lentement et d'un air interrogateur, comme quelqu'un qui, dans les pays nouveaux, goûte l'air nouveau.(…) Je suis assis, respirant le meilleur air, l'air du paradis, en vérité, l'air clair, léger et rayé d'or, aussi bon qu'il en soit jamais tombé de la lune." [9]
[1] Bachelard, L'Air et les songes, Corti, 1943-1965, p.300.
[2] Bachelard, L'Air et les songes, Corti, 1943-1965, p.110.
[3] Bachelard, L'Air et les songes, Corti, 1943-1965, p.152.
[4] Bachelard, L'Air et les songes, Corti, 1943-1965, p.156-157.
[7] Bachelard, L'Air et les songes, Corti, 1943-1965, p.163-164.
[8] Bachelard, L'Air et les songes, Corti, 1943-1965, p.167.
[9] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Parmi les filles du désert.
Claude Stéphane PERRIN. Professeur de philosophie à la retraite, j'écris et je lis en méditant sur le problème de la non-violence, notamment à partir d'une idée non indifférente et non nihiliste du neutre .
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