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Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.

Spinoza par Victor Delbos (l'humilité et l'orgueil)

Spinoza par Victor Delbos (l'humilité et l'orgueil)
Spinoza par Victor Delbos (l'humilité et l'orgueil)

"La surestime et la mésestime, qu'elles s'appliquent à autrui ou à nous, sont toujours mauvaises, car elles enveloppent essentiellement des opinions opposées au jugement équitable de la raison. La surestime engendre facilement l'orgueil, surtout lorsque c'est l'individu qui se surestime lui-même ; et de l'orgueil naissent les plus grands maux. La mésestime de soi se corrige plus facilement que l'orgueil, et pourtant elle est proche de l'orgueil par l'humilité même à laquelle elle s'abaisse et dont elle fait une raison de censurer les autres hommes.[1] L'humilité n'est point, quoi qu'on dise, une vertu ; car elle est une tristesse qui accompagne dans l'homme le sentiment de son impuissance ; et l'on a beau prétendre qu'elle doit résulter de la considération de notre petitesse et de notre dépendance : cette considération, dès qu'elle est vraie, accroît au contraire notre pouvoir.[2] (…)

Cependant, étant donné que les hommes ne vivent guère sous l'empire de la raison, (cette passion est) plus utile que dommageable : si donc il faut pécher, que ce soit plutôt dans ce sens. Qu'en effet des hommes à l'âme impuissante n'obéissent qu'aux suggestions de leur orgueil sans connaître le frein de la honte : comment pourraient-ils être maintenus et disciplinés. (…)

Dans le Court Traité, Spinoza avait, plus nettement encore en ce sens, distingué de l'humilité «vicieuse» la véritable humilité, qu'il jugeait «bonne et salutaire» au même titre que la noblesse d'âme.[3]

Si des passions de ce genre, qui enveloppent la tristesse, peuvent devenir bonnes à certains égards par l'obstacle qu'elles opposent à des passions pires, elles ne sauraient jamais être érigées en principes directs de vertu : même la crainte et l'aversion d'un mal ne constituent pas positivement un bien. [4] En revanche des affections telles que le contentement de soi, même et surtout s'il est encouragé par la juste opinion d'autrui, s'il est exempt d'orgueil et de gloriole, sont des affections bonnes ; car elles viennent de ce que l'homme considère sa puissance d'agir. [5] Or la puissance d'agir, élevée à son maximum, c'est-à-dire produite ou réglée par la raison, c'est ce qui constitue la liberté."

 

Cours de M. Victor Delbos, Le Spinozisme, Vrin, 1968, p. 146.

 

 

 

[1] Spinoza, Éthique, IV, prop. XLVIII, XLIX, LV, LVI, LVII ; Court Traité, deuxième partie, ch. VIII.

[2] Spinoza, Éthique, IV, prop. LIII.

[3] Spinoza, Court Traité, deuxième partie, ch. VIII.

[4] Spinoza, Éthique, IV, prop. LVIII, LXIV.

[5] Spinoza, Éthique, IV, prop. LII

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À propos
claude stéphane perrin

Claude Stéphane PERRIN. Professeur de philosophie à la retraite, j'écris et je lis en méditant sur le problème de la non-violence, notamment à partir d'une idée non indifférente et non nihiliste du neutre .
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