Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.
7 Août 2012
Un tableau anonyme dans le goût de Courbet
Claude Stéphane PERRIN
Gustave Courbet, l'amour d'une vive simplicité
Parmi les différentes manières d'être simple, abstraitement, concrètement, ou dans l'attente d'un équilibre entre les couleurs du sensible et les structures essentielles d'une âme apaisée, Courbet semble poussé par les forces vives de la Nature vers ce qu'elle offre de plus charnel. C'est en effet la simplicité de la rencontre aléatoire du monde naturel et des corps vivants (hommes ou animaux) qui l'inspire : un corps innocemment dénudé au sein d'une forêt ou au bord d'un ruisseau, par exemple.
Certes, le regard simple et chaleureux de Courbet sur les êtres vivants est parfois cruel, comme dans la provocante vue rapprochée d'un sexe féminin dans L'Origine du monde (1866). Mais ce qui est montré sans feinte, sans réserve et sans perversité, ne fait que poser le problème de la brutale fascination d'une naïve impudeur, lorsque l'idéalisation des apparences est remplacée par la présentation sincère du réel dans sa plus simple matérialité.
Cependant, dans ce tableau, il n'y a pas de véritable profanation d'un corps humain, puisque ce dernier n'a pas été, au préalable, sacralisé. Il est ce qu'il paraît et paraît ce qu'il est. En réalité, cette partie d'un corps est montrée dans son innocente appartenance au monde naturel : le monde charnel d'un individu englobé dans la chair du monde, c'est-à-dire le fait d'une synthèse vive et sans doute physiquement fondamentale.
C'est ainsi que l'incompréhensible surgissement de tout acte créateur a trouvé chez Courbet quelques lueurs simples hors d'une mythique analogie entre la naissance des êtres vivants et un prétendu commencement absolu de la représentation artistique.
Du reste, cette toujours renaissante fusion des corps avec le monde naturel ne manque pas de lyrisme, d'un lyrisme qui sera d'ailleurs dit "élémentaire". L'élan ferme de l'énergie du peintre semble en effet surgir à partir du champ infini de la Nature pendant que le modelé de ses œuvres, en pleine pâte, instaure un dialogue chaleureux avec la matière, dans l'instant puissant, dramatique, émouvant, voire sensuel, de l'expansion vibrante du devenir du réel.
Courbet effectue ainsi des synthèses audacieuses dont l'humour, voire la vision panthéiste (dans les paysages), élargit les limites. Mais, y compris dans ses grandes représentations, le processus d'imitation (peindre le visible) est vraiment transfiguré par son tempérament franc et excessif ; ce qui lui permet de dramatiser lucidement son énergie. Si le monde naturel est parfois cruel, pourquoi embellir cette fatalité ? Les plus beaux rêves ne masquent-ils pas laideurs, dispersions et vanités ?
Enfin, dans cet espace pictural qui semble s'élargir en demeurant cohérent, Courbet donne également la parole au hasard. Il écrit : "Quand Jérôme (l'âne de Courbet) s'arrête, je fais un paysage". Chaque création commence alors, tout simplement, selon les temps et les lieux, dans l'humour le plus sincère, faussement hautain, pour suggérer de puissantes, amères et très probables vérités sur les épreuves sensibles les plus charnelles des hommes...
Claude Stéphane PERRIN. Professeur de philosophie à la retraite, j'écris et je lis en méditant sur le problème de la non-violence, notamment à partir d'une idée non indifférente et non nihiliste du neutre .
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