Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.
13 Mars 2022
- L'amour intellectuel de la Nature : - "L'Amour intellectuel de l'homme pour Dieu n'est qu'une partie de l'amour infini dont Dieu s'aime lui-même quand il est considéré sous l'aspect de l'homme. (…) L'Univers se sait lui-même comme Nature (Dieu) et comme Conscience, par le regard du philosophe." [1]
- L'amour comme adhésion intellectuelle : "Mais qu'est-ce que cet «Amour» sinon l'adhésion profonde du sujet qui connaît à l'objet connu ? Cette adhésion n'est pas un sentiment, mais un accord intellectuel, puisque le sage ne peut souhaiter que Dieu l'aime en retour ; l'Amour est ici la conscience de l'homme et du monde." [2]
- Seul Dieu est cause libre.
- L'amour intellectuel est créateur de la naissance d'une union entre une émotion et un acte totalement réfléchi (idée de l'idée) : " Il y a là, si l'on veut, comme une puissance créatrice et cosmique de la réflexion, mais cette puissance est source d'émotion parce qu'elle est la manifestation de la réflexion absolue qui se saisissant elle-même comme Tout, réalise en acte la Plénitude fermée et suffisante." [3]
- L'amour intellectuel de Dieu fait naître à une réelle perfection humaine [4] : "Cet amour envers Dieu n'a pas eu de commencement (…) et cependant il a toutes les perfections de l'amour, comme s'il avait pris naissance." [5]
- L'amour intellectuel de Dieu transfigure la passivité de l'affect corporel en activité réflexive :
- "L'âme peut faire que toutes les affections du corps, c'est-à-dire que toutes les images des choses se rapportent à l'idée de Dieu. Démonstration : Il n'est aucune affection du corps dont l'âme ne puisse se former un concept clair et distinct (par la Propos. 4, part. 5), et en conséquence, l'âme peut faire (par la Propos. 15, part. 1) que toutes ces affections se rapportent à l'idée de Dieu." [6]
- S'agit-il alors d'une transmutation du désir par la réflexion, comme l'affirme R. Misrahi ? Sans doute par une intellectualisation qui rend l'affect indépendant en le purifiant (certes sans ascétisme puisqu'il subsiste comme affect) : l'appétit (confus, tronqué, passif) est libéré en devenant conscient et actif : "Par la connaissance réflexive de l'affect qui, dissolvant les images et les faux biens, transforme l'affect passif (hétéronome et aveugle) en affect actif (autonome et éclairé)."[7]
- La seconde naissance comme nouveauté est un acte de liberté :
- L'absence de contrainte extérieure à soi produit une guérison.[8]
- "J'appelle libre, quant à moi, un chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature, contrainte, celle qui est déterminée par une autre à exister et à agir d'une façon déterminée. Dieu par exemple (…) Vous le voyez bien, je ne fais pas consister la liberté dans un libre décret, mais dans une libre nécessité." [9]
- La libération consiste à se déterminer par soi-même à agir en réalisant la nécessité de sa propre nature. La nécessité intérieure implique d'agir et de penser selon la raison, [10] qui fonde le salut [11] par la vertu [12] de la béatitude.[13] :
- "La Liberté spinoziste est une libération et non une liberté primitive ; de même, la conscience que, par le philosophe, l'homme et la Nature ont d'eux-mêmes, n'est pas une conscience primitive, mais une conscience seconde et réfléchie" [14]
- "Ce pouvoir dépend de la connaissance adéquate (réflexive et totalisatrice) puisqu'elle seule peut rendre le désir à lui-même et l'homme à sa causalité immanente. (…) "C'est pourquoi il n'y a pas de différence entre liberté et béatitude. La liberté comme joie et perfection souveraine est béatitude (permanente et continue). (…) C'est pourquoi elle est le plus haut contentement de l'esprit et du désir : l'acquiescientia in se ipso, à la fois satisfaction de soi, accord avec soi-même et le monde, et repos actif en soi-même." [15]
- Le philosophe renaît en se mettant au centre de sa réflexion :
- "Dans la conscience que le Tout a de lui-même par le philosophe, ce n'est pas seulement comme moyen que le philosophe est concerné, c'est aussi et surtout comme Centre." [16]
-cette seconde naissance implique "le retour de la conscience à elle-même comme centre", [17] et sans changer sa réelle nature (sa puissance à la fois spirituelle et corporelle et dans sa plus grande perfection).
- La re-naissance du philosophe : "Le Commencement est un re-Commencement, la Naissance est une seconde naissance. Mais qu'est-ce donc qui naît et commence ainsi pour la seconde fois ? Spinoza ne le cache pas : c'est le philosophe lui-même, ou plutôt l'homme quelconque dès qu'il accède à la «science intuitive». Le Livre V est fort clair[18] : tout se passe comme si, par la réflexion du troisième genre, l'esprit accédait à une nouvelle existence, et naissait véritablement à «l'éternité» de la Raison, lui qui déjà naquit une première fois à l'existence matérielle."[19]
[1] Misrahi (Robert), Le désir et la réflexion dans la philosophie de Spinoza, Gramma, 1972, p.138.
[2] Misrahi (Robert), Le désir et la réflexion dans la philosophie de Spinoza, Ibidem.
[3] Misrahi (Robert), Spinoza, Seghers,1966, pp.117-118.
[4] Spinoza, Éthique IV, préface.
[5] Spinoza, Éthique, V, 3.
[6] Spinoza, Éthique, V, prop. XIV.
[7] Misrahi (Robert), Encyclopædia Universalis, 15, 1968, p.293.
[8] Spinoza, Traité de la réforme de l'entendement, début.
[9] Spinoza, Lettre LVIII à Schuller.
[10] Spinoza, Éthique, IV, 67 dém.
[11] Spinoza, Éthique, V, 36 sc.
[12] Spinoza, Éthique, II, 49 sc, fin.
[13] Spinoza, Éthique, V, Préf.
[14] Misrahi (Robert), Le désir et la réflexion dans la philosophie de Spinoza, Ibidem.
[15] Misrahi (Robert), Encyclopædia Universalis, 15, 1968, p.294.
[16] Misrahi (Robert), Spinoza, Seghers,1966, p.118 et Court Traité, XII, 7.
[17] Misrahi (Robert), Encyclopædia Universalis, 15, 1968, p.294.
[18] Spinoza, Éthique, V, 31, scolie.
[19] Misrahi (Robert), Spinoza, Seghers,1966, p.118 et Court Traité, XII, 7.
Claude Stéphane PERRIN. Professeur de philosophie à la retraite, j'écris et je lis en méditant sur le problème de la non-violence, notamment à partir d'une idée non indifférente et non nihiliste du neutre .
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