Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.
10 Juin 2022
- " Toute poésie est commencement." [1] - "Le problème du poète est d'exprimer du réel avec de l'irréel. Il vit dans le clair-obscur de son être, tour à tour apportant au réel une lueur ou une pénombre – et chaque fois donnant à son expression une nuance inattendue." [2]
- "L'image, la véritable image, quand elle est vie première en imagination, quitte le monde réel pour le monde imaginé, imaginaire. Par l'image imaginée, nous connaissons cet absolu de la rêverie qu'est la rêverie poétique. (…) Un être rêveur heureux de rêver, actif dans sa rêverie, tient une vérité de l'être, un avenir de l'être humain." [3]
- "L'imagination est le centre même d'où partent les deux directions de toute ambivalence : l'extraversion et l'introversion." [4]
- "La flamme nous force à imaginer." [5] - "L'imagination est une flamme, la flamme du psychisme…" [6]
-"Tout rêveur de flamme est en état de rêverie première. (…) Ainsi la contemplation de la flamme pérennise une rêverie première. Elle nous détache du monde et elle agrandit le monde du rêveur." [7]
-"La flamme est un monde pour l'homme seul. Alors, si le rêveur de flamme parle à la flamme, il parle à soi-même, le voici poète. (…) La méditation de la flamme a donné au psychisme du rêveur une nourriture de verticalité, un aliment verticalisant." [8] - "La flamme garde sa forme et court, toute droite, comme une pensée ferme, à son destin de verticalité." [9] - "La flamme est un sablier qui coule vers le haut." [10] - "La flamme est une verticale vaillante et fragile." [11] - "Conscience et flamme ont le même destin de verticalité."[12] – "Les rêveries de hauteur nourrissent notre instinct de verticalité, instinct refoulé par les obligations de la vie commune, de la vie platement horizontale. La rêverie verticalisante est la plus libératrice des rêveries.(…) Les images de la verticalité nous font entrer dans le règne des valeurs." [13] "La flamme est l'élément dynamique de la vie droite." [14]
- "La flamme est seule, naturellement seule, elle veut rester seule. (…) La flamme est un être-devenir, un devenir-être." [15] -"La flamme bruit, la flamme geint. La flamme est un être qui souffre." [16]
- "La flamme isolée est le témoignage d'une solitude, d'une solitude qui unit la flamme et le rêveur." [17]
- "Le rêveur ! – ce double de notre être, ce clair-obscur de l'être pensant – a, dans une rêverie à la petite lumière, la sécurité d'être. (…) Des images de petite lumière nous apprennent à aimer ce clair-obscur de la vision intime." [18]
- "Le clair-obscur du psychisme, c'est la rêverie calme, calmante, qui est fidèle à son centre, éclairée en son centre, non pas resserrée sur son contenu, mais débordant toujours un peu, imprégnant de sa lumière sa pénombre." [19]
- "Il y a une parenté entre la veilleuse qui veille et l'âme qui songe. Pour l'une comme pour l'autre, le temps est lent. Dans le songe et la lueur se tient la même patience. Alors le temps s'approfondit ; les images et les souvenirs se rejoignent. Le rêveur de flamme unit ce qu'il voit et ce qu'il a vu. Il connaît la fusion de l'imagination et de la mémoire." [20]
- "La valeur à conquérir est ici la lumière. La lumière est alors une sur-valorisation du feu." [21]
- "Une matière, vulgaire entre toutes, produit de la lumière. Elle se purifie dans l'acte même qui donne la lumière. (…) La flamme épurée, épurante, éclaire le rêveur deux fois, par les yeux et par l'âme. Ici les métaphores sont des réalités et la réalité, puisqu'elle est contemplée, est une métaphore de dignité humaine. On la contemple en métaphorisant la réalité." [22]
- "La lumière est le feu le plus pur et un élément." [23] - "La lampe, la bougie ne donnent-elles pas le feu le plus humanisé ? Puisqu'il donne la lumière, le feu n'est-il pas l'auteur de la plus grande valeur?" [24]
- "Une lumière (est) un état d'âme extatique." [25]
- "La flamme est si essentiellement verticale qu'elle apparaît, pour un rêveur de l'être, tendue vers un au-delà, vers un non-être éthéréen." [26]
- L'élan d'une imagination qui unit l'ardeur du feu et la puissance patiente de la verdure." [27]
- "Oui, la tige de la flamme est si droite, si frêle que la flamme est une fleur." [28] "Les fleurs, toutes les fleurs sont des flammes – des flammes qui veulent devenir de la lumière." [29]- "Chaque fleur a sa propre lumière. Chaque fleur est une aurore. Un rêveur du ciel doit trouver en chaque fleur la couleur d'un ciel."
[1] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.72.
[2] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.72.
[3] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.2.
[4] Bachelard, La Terre et les rêveries de la volonté, Corti, 1948-1965, p. 34.
[5] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p. 1.
[6] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.15.
[7] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p. 3.
[8] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p. 4.
[9] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p. 21.
[10] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p. 24.
[11] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.58.
[12] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.29.
[13] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.57.
[14] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.70.
[15] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.36.
[16] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.41.
[17] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.13.
[18] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p. 7.
[19] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p. 9-10.
[20] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.12.
[21] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.28.
[22] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.30.
[23] Bachelard, La Psychanalyse du feu, Gallimard, (1949) Idées, 1965, p.103.
[24] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.48.
[25] Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique, Vrin, 1970, p. 239-240.
[26] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.59.
[27] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.72.
[28] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.58.
[29] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.79.
- "La couleur est une épiphanie du feu ; la fleur est une ontophanie de la lumière." [1]
- "Du feu, de l'air, de la lumière, toute chose qui monte a du divin aussi ; tout rêve déployé est partie intégrante de l'être de la fleur. La flamme de vie de l'être qui fleurit est une tension vers le monde de la pure lumière." [2]
- "L'être n'est pas au-dessous. Il est au-dessus, toujours au-dessus – précisément dans la pensée solitaire qui travaille." [3]
- "Et nous rêvons à une heure divine qui donnerait tout. Non pas l'heure pleine, mais l'heure complète. L'heure où tous les instants du temps seraient utilisés par la matière, l'heure où tous les instants réalisés dans la matière seraient utilisés par la vie, l'heure où tous les instants vivants seraient sentis, aimés, pensés. L'heure par conséquent où la relativité de la conscience serait à l'exacte mesure du temps complet. Finalement le temps objectif, c'est le temps maximum ; c'est celui qui contient tous les instants. Il est fait de l'ensemble dense des actes du Créateur." [4]
Toute prise de conscience est un accroissement de lumière et d'être : "Pour nous, toute prise de conscience est un accroissement de conscience, une augmentation de lumière, un renforcement de la cohérence psychique. Sa rapidité et son instantanéité peuvent nous masquer la croissance. Mais il y a croissance d'être dans toute prise de conscience. La conscience est contemporaine d'un devenir psychique vigoureux, un devenir qui propage sa vigueur dans tout le psychisme. (…) Une conscience qui diminue, une conscience qui s'endort, une conscience qui rêvasse n'est déjà plus une conscience. (…)Augmenter le langage, créer du langage, valoriser le langage, aimer le langage, voilà autant d'activités où s'augmente la conscience de parler. " [5]
- "À quelle lumière reconnaît-on d'abord la valeur de ces synthèses subites ? à une clarté indicible qui met en notre raison sécurité et bonheur." [6]
L'œil projette de la lumière et éclaire lui-même ses images : "Entre la nature contemplée et la nature contemplative, les relations sont étroites et réciproques. La nature imaginaire réalise l'unité de la natura naturans et de la natura naturata.(…) Pour la vision active, il semble que l'œil projette de la lumière, qu'il éclaire lui-même ses images. On comprend alors que l'œil ait la volonté de voir ses visions, que la contemplation soit, elle aussi, volonté."[7]
La sublimation est le dynamisme le plus normal du psychisme : "Les images imaginées sont des sublimations des archétypes plutôt que des reproductions de la réalité. Et comme la sublimation est le dynamisme le plus normal du psychisme, nous pourrons montrer que les images sortent du propre fonds humain. Nous dirons donc avec Novalis : «De l'imagination productrice doivent être déduites toutes les facultés, toutes les activités du monde intérieur et du monde extérieur. » [8]
Une sublimation dynamique qui ne va pas contre l'instinct, mais vers un idéal : "Max Scheler a montré ce qu'il y a d'excessif dans la théorie de la sublimation telle que la développe la Psychanalyse classique. Cette théorie suit la même inspiration que la doctrine utilitaire qui est à la base des explications évolutionnistes. (…) On peut trouver, précisément dans les âmes qui luttent contre les passions, une sublimation d'un autre type que nous appellerons la sublimation dialectique pour la distinguer de la sublimation continue que la Psychanalyse classique envisage uniquement." [9]
"C'est uno actu, c'est dans l'acte même vécu dans son unité qu'une imagination dynamique doit pouvoir vivre le double destin humain de la profondeur et de la hauteur, la dialectique du somptueux et de la splendeur. (…) L'imagination dynamique unit les pôles. Elle nous fait comprendre qu'en nous quelque chose s'élève quand quelque action s'approfondit – et qu'inversement quelque chose s'approfondit quand quelque chose s'élève. Nous sommes le trait d'union de la nature et des dieux, ou, pour être plus fidèles à l'imagination pure, nous sommes le plus fort des traits d'union de la terre et de l'air : nous sommes deux matières en un seul acte. Une telle expression, qui nous paraît résumer l'expérience onirique novalisienne, n'est compréhensible que si l'on donne la suprématie à l'imagination sur toute autre fonction spirituelle. Alors on s'établit dans une philosophie de l'imagination pour laquelle l'imagination est l'être même, l'être producteur de ses images et de ses pensées. L'imagination dynamique prend alors le pas sur l'imagination matérielle. Le mouvement imaginé en se ralentissant crée l'être terrestre, le mouvement imaginé en s'accélérant crée l'être aérien. Mais comme un être essentiellement dynamique doit rester dans l'immanence de son mouvement, il ne peut pas connaître de mouvement qui s'arrête totalement ni qui s'accélère au-delà de toute limite : la terre et l'air sont pour l'être dynamisé indissolublement liés." [10]
- "Et Novalis ajoute cette profonde pensée : «Les deux se font uno actu.» La sublimation et la cristallisation se font en un seul acte. Pas de sublimation sans un dépôt, mais pas non plus de cristallisation sans une vapeur légère qui quitte la matière, sans un esprit qui court au-dessus de la terre." [11]
- "Jusque dans le règne des sciences exactes, notre imagination est une sublimation. Elle est utile, mais elle peut tromper tant que l'on ne sait pas ce que l'on sublime et comment l'on sublime. Elle n'est valable qu'autant qu'on en a psychanalysé le principe." [12]
- "La sublimation n'est pas toujours la négation d'un désir ; elle ne se présente pas toujours comme une sublimation contre des instincts. Elle peut être une sublimation pour un idéal. Alors Narcisse ne dit plus : «Je m'aime tel que je suis», il dit : «Je suis tel que je m'aime.» Je suis avec effervescence parce que je m'aime avec ferveur. Je veux paraître, donc je dois augmenter ma parure." [13]
- "Mais on peut trouver chez les grands rêveurs de la verticalité des images plus exceptionnelles encore où l'être apparaît comme déployé à la fois dans le destin de la hauteur et dans celui de la profondeur. On aura un exemple de cette étonnante image dans l'œuvre d'un génie du rêve, chez Novalis : «Si l'univers est en quelque sorte un précipité de la nature humaine, le monde des dieux en est la sublimation. » [14]
[1] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.85.
[2] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p.86.
[3] Bachelard, La Flamme d'une chandelle, 1961-1970, p. 110.
[4] Bachelard, L'Intuition de l'instant, Gonthier- Médiations, 1973, p.48.
[5] Bachelard, La Poétique de la rêverie, PUF, 1961, p.5.
[6] Bachelard, Le Nouvel esprit scientifique, PUF, 1934, p.179.
[7] Bachelard, L'Eau et les rêves, Corti, 1942-1971, p.41.
[8] Novalis, Schriften, II, p. 365.
[9] Bachelard, La Psychanalyse du feu, 1938, Gallimard, Idées, 1965, p. 163-164.
[10] Bachelard, L'Air et les songes, Corti, 1948-1965, p.126.
[11] Bachelard, L'Air et les songes, Corti, 1943-1965, p.126.
[12] Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique, Vrin, 1970, p. 237.
[13] Bachelard, L'Eau et les rêves, Corti, 1942-1971, p.34-35.
[14] Novalis, Fragments inédits, Hymnes à la nuit, Stock, p.98.
Claude Stéphane PERRIN. Professeur de philosophie à la retraite, j'écris et je lis en méditant sur le problème de la non-violence, notamment à partir d'une idée non indifférente et non nihiliste du neutre .
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