Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.
9 Juin 2018
Le neutre comme fondement de toute critique et de tout engagement politique.
Après Auschwitz, qui peut lire Kant, Hegel ou Goethe... et les humanistes de toutes les cultures, de la même manière ? Les satanocraties ont fait le vide. Certaines terres ont bu trop de sang. Et ces violences restent encore terrifiantes. Pourquoi ces actes de barbarie ont-ils été possibles après des siècles de culture où la Morale avait prétendu fonder le meilleur ? Maintenant, après ces pires ignominies, la délectation artistique paraît déplacée. N’y a-t-il pas autre chose à faire ? Cependant, si la conscience de l’horreur, de l’inhumain et de l’innommable ne permet pas de penser avec davantage de force, il n’est plus possible aujourd’hui de croire encore à des valeurs absolues et à leur action possible sur le monde.
Qu'apporte alors l'idée du neutre dans ce cadre historique affligeant ? D'abord il ne conduit pas à quelque lâche neutralité, au fait d'être neutre et de le rester. D'un point de vue politique, cette idée peut d'abord inspirer une liberté, un choix, puis un engagement pour ce qui est le plus humain possible, sans permettre d'instaurer un discours politique neutre qui ne serait qu'une sorte de non-engagement.
Lorsque l'idée du neutre inspire librement, elle sert en effet de repère pour la critique de tout ce qui entrave chacun dans le champ social et politique. Parce qu'elle est utopique, elle ne se reconnaît dans aucune idéologie. Elle précède toutes les opinions indifférentes, conservatrices ou sacralisées par des intérêts matériels. Elle est novatrice (plutôt que révolutionnaire), car son authenticité vise une non-violence possible, comme fin et comme commencement de toute action. Comment ?
Malheureusement, l’existant est souvent incapable de penser contre ses opinions. Convaincu, il cherche à vaincre autrui. Dans l’action politique, qui passe par la délégation des représentations, les opinions et les convictions précèdent malheureusement les valeurs… Ce qui conduit au triomphe des opinions les plus communes.
L’enjeu des luttes politiques étant le pouvoir, il est nécessaire de distinguer l’exercice du pouvoir et la puissance en elle-même. Mais à qui appartient le pouvoir si l'indétermination des rapports de force est la règle de la variation indéfinie des possibilités ? Nul ne sait précisément qui l'exerce et où il s’exerce. Migrateur, il se déplace constamment… Néanmoins, tous nos gestes semblent politiques dès lors qu’ils sont considérés en fonction de relations sociales communes, même si dans un cadre démocratique chaque citoyen n'a pas toujours son mot à dire.
En fait, les deux principales manifestations du pouvoir sont la représentation et l’appropriation qui se propagent sous les modes de l’être et de l’avoir. Le pouvoir de se montrer capable de liberté (puissance) diffère alors du pouvoir de dominer par l’argent, les fonctions, les armes ou les muscles. Le premier dépend de la vigueur de la pensée de chacun, le second des forces matérielles. Pourquoi les confondre ?
En tout cas il est possible et souhaitable de refuser l’obéissance aveugle, l’adhésion fascinée et le désir de dominer la volonté de l’autre. Et cette domination devient impossible lorsque nul n’y consent et lorsque les images du pouvoir finissent par faire paraître ce qu'elles dissimulent : la pure apparence de la mort qui est la vérité de l'apparence, y compris de celle du pouvoir.
Claude Stéphane PERRIN. Professeur de philosophie à la retraite, j'écris et je lis en méditant sur le problème de la non-violence, notamment à partir d'une idée non indifférente et non nihiliste du neutre .
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