Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.
9 Novembre 2012
Tableau de Léon Zack (1948-1949, hst, 120 x 110) reproduit p.44 du Catalogue de l'exposition au Musée d'art moderne de la ville de Paris, 1976-1977.
Réflexions extraites de mon ouvrage intitulé Penser l'art de Léon Zack (L'Âge d'homme, 1984 et 1990), pp. 88-90.
Pour se libérer, le moi doit se détourner de l'espace désertique, de ce faux infini du monde intérieur où les images les plus effacées croient inventer de nouvelles cohérences. Il faut que, grâce à une purification des formes inconscientes et refoulées de l'expérience psychosomatique, les mirages de la matière cessent d'occulter l'indicible activité de la réalité première. Car, si l'inconscient peut agir sur le moi, ce dernier peut aussi dépasser sa propre finitude en se rendant digne de l'Intelligence universelle qui, dans sa dynamique tension unificatrice, englobe l'imagination et la raison, et déforme le contenu de la mémoire pour mieux diriger la création. Par l'abandon de ses prétentions, le moi s'ouvre sur l'invisible et contemple, anéantissant ainsi ses jeux orgueilleux et ses espérances captives de l'amour propre. Lorsque midi a l'humilité de minuit, l'intériorité se dépouille de ses masques, les sensations servent de support à des images recueillies, et les perceptions se transforment en idées, sans que l'on puisse séparer les œuvres de l'homme de celles de Dieu : " (…) La rigueur d'un Cézanne, l'humilité d'un Corot nous émeuvent à travers leurs peintures comme les vertus des saints" (Propos recueillis par Jean Grenier, Entretiens avec dix-sept peintres non-figuratifs, Calmann-Lévy, 1963, p.226).
(…) Acte de liberté, le peintre simplifie et purifie. Le manque de confiance en soi-même, énoncé avec humour, devient conscience impassible et jaillissante, saisissant simultanément toutes les faces fragiles du réel. Dans la pratique picturale, cette expression moqueuse et sérieuse en même temps, c'est-à-dire qui ne se prend pas au sérieux, s'incarne dans des zigzags qui oscillent librement entre les contraires, en acceptant un perpétuel devenir de leurs relations réciproques.
(…) Le conflit de la liberté avec ses contraintes, de l'infini avec le fini, commande donc le devenir d'un art et d'un artiste qui, comme la totalité infinie englobée par le pouvoir divin d'unification, tourne ses forces vers la subjectivité sans cesser d'être objectif. Le choix des moyens s'effectue alors à partir d'un nécessaire abandon de tous les miroirs rationnels du moi qui enfermeraient Léon Zack dans le désert et dans la solitude de sa propre nuit intérieure. Ainsi la volonté devient-elle attention patiente, effort serein d'intériorisation supprimant toute distraction, ouverture vigilante à la naissance de chemins qui rendront possible la création en transcendant l'homme et le monde :
"Peines et blessures
Humaines
Et le moins saisissable
Moi-même"
(Chevaux et jours, V, Lafranca, Locarno, 1978)
Claude Stéphane PERRIN. Professeur de philosophie à la retraite, j'écris et je lis en méditant sur le problème de la non-violence, notamment à partir d'une idée non indifférente et non nihiliste du neutre .
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