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Recherches philosophiques qui, inspirées par l'idée du neutre, vont au-delà du scepticisme vers une interprétation moderne et différentielle (historique et intemporelle) du devenir du principe de raison.

Pour une incrédule naïveté philosophique

Aquarelle d'Alain Colomb

Aquarelle d'Alain Colomb

   

  Quelle que soit l'orientation de chacun, d'un point de vue strictement philosophique, le désir du savoir reste tendu par deux exi­gences complémentaires, l'une de douter, l'autre de toujours recommencer à chercher. La première exigence conduit à un scepticisme pa­tient et modéré, à une certaine incrédulité construite à partir des limites d'une raison qui n'aura peut-être pas le dernier mot. La seconde exigence s'accompagne d'une naïveté peu banale, positive, originale, naturelle, ni convaincue ni ingé­nue, qui affirme que tout acte philoso­phique naissant, en chaque pur et simple instant pensé, est d'une grande vitalité, voire, pour Bachelard, à l'origine de la "plus grande des forces." [1]

   Ainsi la prime naïveté d'une intuition est-elle le fruit de la curiosité et de l'étonnement d'un philosophe, dès lors qu'elle est simple, innocente, désintéressée et enthou­siaste, et même si elle est superficielle puisqu'elle réussit tout de même à capter les actes naissants et en partie rêvés, voire incons­cients, de l'éternelle Nature naturante, ou de ce que Nietzsche a dé­signé comme volonté de puissance ! En con­séquence, pour Bachelard qui rejoint parfois Nietzsche en éprouvant également dans ses rêves les forces naissantes de l'imprévisible, "il y a toujours un peu de naïveté dans la vo­lonté de puissance. Le destin de la volonté de puissance est, en effet, de rêver la puissance au-delà du pouvoir effectif. Sans cette frange de rêve, la volonté de puissance serait im­puissante. C'est par ses rêves que la volonté de puissance est la plus offensive. Dès lors, celui qui veut être un surhomme retrouve tout na­turellement les mêmes rêves que l'enfant qui voudrait être un homme." [2] Cependant, cette naïveté ris­quant de se perdre dans une illusoire ou fictive force toute puissante, il importe de ne pas la séparer des lumières plutôt grises de l'incrédu­lité. Avoir foi en sa naïveté serait du reste paradoxal ! Les rêves du surhomme ou de l'enfant, transpor­tés par la puis­sance d'un avenir imprévisible, ne peuvent rai­sonnablement inspirer qu'une philosophie de l'ouverture sur l'infini, qu'une naïve ouverture des apparences sur d'autres apparences ainsi que sur la puissance infinie de la source de la Nature, mais jamais avec la certitude d'un savoir complet à ce sujet.

 

[1]Bachelard, L'Intuition de l'instant, Livre de Poche/biblio-essais n°4197, p.66. 

[2] Bachelard, L'Eau et les rêves, Corti, 1942-1971, p.240.

 

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À propos
claude stéphane perrin

Claude Stéphane PERRIN. Professeur de philosophie à la retraite, j'écris et je lis en méditant sur le problème de la non-violence, notamment à partir d'une idée non indifférente et non nihiliste du neutre .
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