La Koré Péplophoros

"En face des Kouroi (jeunes gens) pesants, les musées archéologiques alignent les fines Korai, jeunes filles au visage aigu, à l'étroit dans leurs robes entravées. Ces images d'orantes ont été pour la statuaire des exercices sur la grâce féminine et l'élégance de la draperie. Ces monuments de l'archaïsme (…) sont des témoignages sur un moment de la plastique et des œuvres admirables par leur parfaite conservation et leur beauté. Elles précèdent de peu la pleine maturité de l'art et, comme il arrive à cet âge des formes adolescentes, l'habileté du praticien se manifeste par un style tendu, des lignes tranchantes, raidies par la précision. C'est le temps des faces au sourire rigide, car le premier signe de la pensée est toujours cette contraction des lèvres ; elle est même utilisée dans la grimace de la douleur.'

- Hourticq (Louis), Histoire de la sculpture, PUF. Que sais-je ?1942.p.32.

"Ainsi, dans le visage, les organes des sens, par lesquels s'exprime la vie de l'individu, prennent une importance souvent exagérée. Même, l'artiste n'hésite pas à recourir à une polychromie (car ces statues étaient coloriées) arbitraire, pour en accroître l'effet : et s'il peint les yeux en rouge c'est, comme l'expliquera Platon, parce que l'œil est la lumière du visage, et le rouge la plus belle des couleurs ; on ne saurait donc parler ici de réalisme, mais d'équivalence expressive. Il faut enfin faire intervenir, pour expliquer l'évolution de ces types, des considérations d'influences, et de modes : car les différents cantons de la Grèce donnent au Kouros ou à la Korè une apparence en accord avec leur propre idéal, mais cet idéal ne se laisse pas enfermer dans une formule immobile. (…) Le sourire devient tellement caractéristique des œuvres de cette période, et cette ambiance, qu'on l'a appelé «archaïque», ou «ionien» ; avec lui s'introduit l'expression, mais sa signification conventionnelle apparaît bien quand on le retrouve, sur certains frontons, aux lèvres des combattants et même des mourants : il exprime le contentement naïf du sculpteur qui sait désormais animer une physionomie, et la joie de vivre d'une société épanouie dans une civilisation brillante, presque autant que la douceur nouvelle des rapports entre hommes et dieux ; les arts du Proche Orient n'avaient pas connu ce sourire, qui manifeste une nouvelle dimension de l'homme, libéré de la contrainte écrasante du sacré.

- Ginouvès (René), L'Art grec, PUF. Quadrige, 1964-1981,pp.64-66.